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Les grandes galaxies spirales plus jeunes que prévu

13 Jan 2005

En analysant un échantillon de 200 galaxies dans l’Univers lointain, des astrophysiciens du CNRS ont reconstitué l’histoire de la formation des grandes galaxies spirales. Elles ont grandi par collisions et fusions successives de galaxies plus petites, durant lesquelles de nombreuses étoiles sont nées. Mais on pensait que ce mécanisme avait pratiquement cessé il y a 8 milliards d’années. Or, les recherches publiées dans la revue Astronomy&Astrophysics montrent que les galaxies ont continué de croître, donnant naissance à la moitié des étoiles actuelles.

Aujourd’hui, la plupart des grandes galaxies sont des galaxies spirales : au centre, le bulbe de symétrie elliptique est entouré d’un disque, doté de bras où les jeunes étoiles se concentrent. Notre galaxie, la Voie Lactée, ainsi que sa voisine la plus proche, Andromède, sont des galaxies spirales. Quand et comment ces galaxies se sont-elles formées ? C’est ce qu’une équipe d’astrophysiciens du CNRS (1), en collaboration avec des chercheurs du CEA (2) et de l’ESO (3), ont déterminé en travaillant sur des galaxies qui émettent la plus grande partie de leur rayonnement dans l’infrarouge.

 

Le rayonnement infrarouge des galaxies est produit par les naissances stellaires. Les étoiles se forment dans des régions nommées nuages moléculaires, contenant beaucoup de poussières, lesquelles absorbent le rayonnement visible et ultra-violet émis par les jeunes étoiles et le restituent dans le domaine infrarouge. Les galaxies infrarouges sont donc celles où naissent de grandes quantités d’étoiles. Lors de ces épisodes, une petite partie du rayonnement visible traverse néanmoins les poussières. Mais jusque dans les années 1990, les observations du seul rayonnement visible n’avaient pas suffi à distinguer les galaxies infrarouges des autres galaxies, masquant la forte natalité stellaire qui les caractérise.

 

Depuis quelques années, François Hammer et ses colllègues (1) ont utilisé le satellite Infrared Space Observatory pour observer les galaxies de l’Univers lointain dans l’infrarouge, ainsi que le télescope spatial Hubble et le Very Large Telescope, installé au Chili pour les observations dans le visible. Ils ont étudié 200 galaxies, situées à une distance de 4 à 8 milliards d’années lumière de la Terre. Ils ont ainsi assisté au déroulement de leur vie alors que l’Univers était beaucoup plus jeune qu’aujourd’hui (en vertu du principe selon lequel regarder loin dans l’Univers, c’est regarder loin dans le passé).

 

Ces recherches ont abouti à trois résultats majeurs. Les galaxies infrarouges représentent 15 pour cent des galaxies de l’Univers lointain, contre 0.5 pour cent seulement dans l’Univers local (à moins d’un milliard d’années de nous). Il y a 4 à 8 milliard d’années, les galaxies ont donc connu des épisodes de formation stellaire intenses. Plus précisément, la moitié des étoiles actuelles s’est formée durant les 8 derniers milliards d’années, principalement dans les galaxies infrarouges. Enfin, il y a 4 à 8 milliards d’années, les galaxies étaient nettement moins abondantes en oxygène, ce qui confirme le résultat précédent. En effet, à l’échelle de temps considérée, la formation d’étoiles se confond à l’apparition d’éléments lourds comme l’oxygène : les étoiles, une fois formées, explosent rapidement en supernovae, dispersant des éléments lourds autour d’elles.

Quelle est la cause des épisodes de formation stellaire intenses ? Dans les galaxies comme la nôtre, les bras sont des ondes de compression qui se propagent dans le disque. Sur le passage de ces ondes, le gaz interstellaire est déstabilisé et des régions denses se forment au sein desquelles la matière s’effondre pour former des étoiles. Dans la Voie lactée, ce mécanisme conduit à une natalité stellaire d’environ une masse solaire par an. Or, cette valeur est 50 fois inférieure à celle que les astrophysiciens ont trouvé il y a 4 à 8 milliards d’années. Dans ces galaxies, un mécanisme plus efficace est donc à l’uvre : il s’agit de l’interaction gravitationnelle, qui provoque la rencontre et la fusion des galaxies. Le gaz interstellaire est alors fortement comprimé dans certaines régions, ce qui déclenche des bouffées de formation stellaire. Les morphologies des galaxies infrarouges de l’Univers lointain, beaucoup plus perturbées que les spirales régulières de l’Univers local, témoignent des fusions en cours.

Cette histoire révélée par les nombreuses galaxies infrarouges est en accord avec le scénario de formation hiérarchique des galaxies, établi par les cosmologistes il y a une vingtaine d’année. Selon ce scénario, de petites galaxies s’assemblent pour en former de plus grandes, au cours de fusions successives. Mais on pensait que ces fusions avaient pratiquement cessé il y a 8 milliards d’années. Les astrophysiciens viennent de montrer que ce n’est pas le cas. Durant les 4 milliards d’années suivants, les galaxies ont continué de fusionner pour donner les grandes galaxies spirales, telles que nous les connaissons aujourd’hui.

 

Scénario de collision et de fusion de deux galaxies (dans l’infrarouge proche en haut et en couleurs en bas).

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À gauche : Les galaxies s’attirent puis fusionnent, provoquant des bouffées de formation stellaire. Au milieu : Un bulbe central se forme et la matière s’effondre dans un nouveau bulbe, plus gros. La galaxie prend une apparence compacte. À droite : Le disque se reforme à partir du gaz qui a echappé au processus précédent.
© GEPI/Observatoire de Paris (CNRS).

Ce scénario explique la formation des trois quarts des galaxies spirales actuelles, qui sont des galaxies « à gros bulbe ». Il s’appliquerait à la galaxie d’Andromède, mais pas à la Voie lactée, qui semble avoir échappé à des collisions importantes durant les 8 derniers milliards d’années. © GEPI/Observatoire de Paris (CNRS).

Notes :
(1) Laboratoire Galaxies, étoiles, physique et instrumentation (CNRS/Université Paris VII/ Observatoire de Paris).
(2) Commisariat à l’énergie atomique
(3) European southern observatory

Références :
Did most present-day spirals form during the last 8 Gyrs? A formation history with violent episodes revealed by panchromatic observations. Hammer, F., Flores, H., Elbaz, D., Zheng, X.Z., Liang, Y.C., Cesarsky, C., Astronomy and Astrophysics, publication online du 13 janvier.
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Contacts :
Contact chercheur :
François Hammer
Tél : 01 45 07 74 08, Mél : [email protected]

Contact presse :
Claire Le Poulennec
Tél : 01 44 96 49 88, Mél : [email protected]

Contact département des Sciences de l’Univers du CNRS :
Philippe Chauvin
Tél : 01 44 96 43 36, Mél : [email protected]

 

 

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