Date
Catégories
Auteurs

Sur la production de bulles dans un bain

07 Jan 2005

Sciences physiques

Elise Lorenceau et David Quéré, physiciens au CNRS, étudient les comportements des interfaces apparaissant entre des liquides visqueux et de l’air. Dans un article publié dans Physical Review Letters , ils expliquent comment contrôler le taux de bulles d’air produites quand un liquide de ce type est versé dans un récipient. Connu des industriels, ce phénomène peut endommager une production. Il au est contraire parfois provoqué, pour transporter de l’air grâce à ces bulles.

La viscosité d’un matériau est sa capacité à s’écouler au contact d’un plan solide incliné. Lorsqu’un liquide est peu visqueux, comme l’eau, il s’écoule facilement. S’il est très visqueux, comme le miel, il aura tendance à coller au substrat. Les liquides visqueux qu’étudient E. Lorenceau et D. Quéré se situent justement entre eau et miel. Ils sont 100 à 1 000 fois plus visqueux que l’eau.

Or, quand un jet d’un liquide visqueux rencontre un bain de même nature[1]/>, un film d’air peut se coller au jet, provoquant la formation de bulles d’air ou même de mousses. Ce phénomène peut être indésirable comme par exemple au cours du remplissage d’un moule par un plastique fondu, où il faut parfois interrompre le procédé de fabrication en attendant que les bulles remontent en surface. A l’inverse, l’apparition de ces bulles d’air est parfois souhaitée et mise à profit pour oxygéner des milieux pollués.

Dans un premier temps, le seuil d’apparition du phénomène, c’est-à-dire le seuil de formation d’un film d’air, a été étudié. Il a été montré que trois paramètres caractérisent l’apparition des bulles : l’augmentation de la vitesse du liquide versé, l’augmentation de la viscosité du liquide ou la diminution de sa tension de surface, contrôlée par des molécules tensio-actives comme celles du savon[2]/>.

 

cusp_trompette_petit.jpg

Jet d’un liquide visqueux entrant en collision avec un bain de même nature. A gauche, l’interface se déforme de façon visible sans qu’il y ait entraînement d’air. A droite, la vitesse du jet est suffisante pour faire craquer l’interface. Un fin film d’air (10 µm d’épaisseur) en forme de trompette s’est collé au jet. Sa longueur atteint plusieurs centimètres. A son extrémité, la lame d’air se fractionne et engendre des bulles de taille variable.
© E. Lorenceau et D. Quéré
 

Dans un second temps le taux de production de bulles a été mesuré. Celui-ci augmente fortement avec la vitesse du jet, tandis que la viscosité du liquide a peu d’influence.

Ce phénomène est proche de la situation où l’on tire une fibre solide hors d’un liquide, le film d’air étant la contrepartie de la petite quantité de liquide qui reste collée à la fibre. Cette question de l’épaisseur du film entraîné par la fibre que l’on extrait d’un bain liquide est un problème classique en mécanique des fluides, appelé « problème de Landau-Levich ». La vitesse du processus étant le principal paramètre de contrôle du dépôt, on comprend pourquoi il est tellement plus efficace de faire monter des blancs en neige avec un batteur plutôt qu’avec une fourchette. A l’inverse, dans les applications industrielles, on pourra lutter contre les bulles d’air en réduisant la vitesse du jet liquide ou en augmentant son rayon.

 

 
 

Quand retourner une situation permet de la comprendre

Le schéma a montre l’épaisseur (e) du film liquide entraîné par une fibre solide (gris fonce) que l’on retire à la vitesse V hors d’un bain liquide (gris clair).

Dans le schéma b, l’épaisseur (e) du film d’air est entraînée par un jet liquide (gris clair) qui tombe dans un bain du même liquide (gris clair) à la même vitesse (V).

Si l’on retourne le schéma b, il devient identique au schéma a, à la condition que :

– le jet liquide du cas b joue le même rôle que la fibre solide du a

– l’air dans b joue le même rôle que le liquide dans a. Autrement dit, dans les deux cas, il s’agit d’un fluide entraîné : un fin film de liquide pour a et un fin film d’air pour b.

– le liquide dans b joue le même rôle que l’air dans a. ce sont les milieux environnants. Le film de liquide est entraîné dans de l’air dans le cas a. Le film d’air est entraîné dans le liquide dans le cas b.

L’analogie n’est cependant pas totale. Elle concerne seulement la partie haute du schéma b. Au bout d’un certain temps, le jet s’évase et forme des bulles qui n’apparaissent pas en a.

 

 

schemacnrs_copie_gd_format_web.jpg

 

 

 

 

 

 



[2]/> La propriété de tension de surface (ou capillarité) désigne la force agissant sur les molécules pour adopter la configuration où elles auront le moins d’interface avec l’extérieur.

Contacts :
Chercheur :
Elise Lorenceau, Laboratoire de physique des matériaux divisés et des interfaces (CNRS et Université de Marne-La-Vallee)
Tél. : 01 60 95 72 63
Mél : [email protected]

Communication :
Département des sciences physiques et mathématiques du CNRS :
Frédérique Laubenheimer, 01 44 96 42 63
[email protected]

Département des sciences pour l’ingénieur du CNRS :
Helena Devillers, 01 44 96 42 32
[email protected]

Bureau de presse :
Magali Sarazin, 01 44 96 46 06
[email protected]

 

 

Laisser un commentaire