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La Charte de l’environnement présentée au Congrès : le discours du Premier ministre

01 Mar 2005

La Charte de lenvironnement présentée au Congrès : le discours du Premier ministre
Monsieur le Président du Congrès,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Jai à nouveau lhonneur de proposer à votre approbation une évolution essentielle de notre Constitution, cette fois en y adossant la Charte de lenvironnement. Inscrire dans notre Constitution le droit à un environnement préservé, cest engager la France, pour elle-même et pour les autres nations.

Le Président de la République a eu à Johannesburg des mots forts, des mots justes. Oui, « la Maison brûle ». Oui, la planète se réchauffe dangereusement. Oui, lérosion de la biodiversité saccélère. Les exemples sont hélas nombreux : les menaces écologiques saccumulent. Les Français ne comprendraient pas que nous différions ladoption de la Charte de lenvironnement, étape fondamentale de notre engagement pour le développement durable. Se préparer à ladoption de la Constitution européenne, comme nous venons de le faire, était indispensable pour notre engagement européen ; approuver la Charte de lenvironnement est tout aussi indispensable, pour le rôle pionnier de la France dans le monde.

Le Congrès fait preuve de clairvoyance ; il examine aujourdhui deux sujets fondamentaux pour notre devenir.

Ladoption de la Charte est une étape décisive pour lhistoire des droits dans notre pays. Grâce à la volonté indéfectible du Président de la République, la Charte élève le développement durable au plus haut niveau de notre édifice juridique, aux côtés de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946. Ce texte fondateur na rien de partisan.

La France devient ainsi le premier pays à consacrer au droit à lenvironnement une déclaration constitutionnelle complète. La mission de la France a toujours été de montrer le chemin des principes fondamentaux du progrès humain. Car le développement durable nest pas la crainte du progrès, cest au contraire lassurance que le développement de nos sociétés sera pérenne, grâce à la prise de conscience du besoin absolu de concilier développement économique et social, dune part, et protection de lenvironnement, dautre part.

Il ne sagit pas dune nouvelle philosophie abstraite, mais dune maxime daction et dune volonté danticipation. En développant les éco-industries, en favorisant la croissance des énergies non émettrices de gaz à effet de serre, en axant notre effort de recherche vers les transports propres, nous réorientons notre activité économique vers les activités de demain tout en protégeant notre environnement.

La Charte qui vous est proposée aujourdhui est le fruit dune longue maturation. Dirigée par le grand paléontologue Yves Coppens, dépourvue de toute influence partisane, la réflexion, coordonnée avec la société civile, a été exemplaire. Les améliorations apportées par vos Assemblées ont permis denrichir et de préciser son contenu, et je veux ici saluer le travail accompli par vos commissions et leurs rapporteurs.

Le premier article de la charte est emblématique de cette nouvelle conception de lenvironnement. En reconnaissant le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré respectueux de la santé, nous consacrons lavènement dune écologie humaniste, qui noppose pas lhomme et la nature. Protéger lenvironnement, cest protéger lhomme et son enfant. Cest une exigence absolue de nos concitoyens. Il fallait y répondre. Cest lobjet du plan national santé environnement adopté en juin 2004. Grâce au débat parlementaire, larticle 5 concernant le principe de précaution a été précisé. Cette précision incitera probablement le législateur à compléter notre droit positif. Trop de propos erronés ont été à lorigine tenus sur son sens et sa portée. Il est défini dorénavant très clairement, ce qui garantira son application et évitera tout risque de mauvaise interprétation. Car le principe de précaution nest pas une menace, cest un « principe daction, exceptionnel, pour risques exceptionnels », comme lécrit Hubert Reeves. Je prendrai pour seul exemple la question du réchauffement climatique. Les scientifiques du monde entier nous annoncent un réchauffement compris entre 1,5 et 6 degrés dici à la fin du siècle. Devons-nous attendre quils précisent leurs chiffres pour agir ? Bien évidemment non !

Cest pourquoi, avec le « plan climat », nous appliquons strictement le protocole de Kyoto, cest pourquoi nous nous engageons dès maintenant à aller au-delà, et à militer pour « Kyoto plus ». Le crédit dimpôts, dès aujourdhui, pour favoriser les économies dénergie et lutilisation dénergies renouvelables, demain la pile à combustible, la séquestration du carbone ou le photovoltaïque grâce à un effort de recherche sans précédent, sont des engagements qui ne peuvent être renvoyés à plus tard. Même si nous ne connaissons pas encore tout de lintensité du réchauffement, de ses conséquences précises, nous devons agir « sans attendre le stade des certitudes scientifiques ». Notre génération possède déjà le néfaste pouvoir de condamner les suivantes. La Charte que je vous invite à adopter aujourdhui marque donc un engagement définitif, pour que la logique de préservation de notre environnement soit présente dans lensemble de nos politiques. Il nest plus temps de sinterroger sur la question de savoir si notre politique de recherche, de développement économique, de formation, doit ou non intégrer la protection de lenvironnement. La réponse est claire : cest oui. Le développement durable doit devenir un levier puissant pour notre développement scientifique, technique et industriel et donc pour lemploi. Cest une exigence que nous devons aux Français, qui nacceptent plus que lon oublie la préservation de lenvironnement lorsque lon améliore les transports, lhabitat ou les activités économiques de demain. Lorsque lon décide de tripler la production de biocarburants, on offre un nouveau débouché aux productions agricoles mais aussi on intègre lacte de production agricole dans la stratégie de lutte contre leffet de serre.

Notre engagement pour le développement durable se fait en pleine cohérence avec nos engagements européens et internationaux.

La cohérence est dabord européenne, puisque le projet de Constitution européenne prévoit pour la première fois lintégration des exigences de protection de lenvironnement et de développement durable. La politique européenne de lenvironnement sera fondée sur les principes de précaution, de prévention et de correction : la France les intègre dès maintenant dans sa Constitution.

Elle fait mieux, elle les précise, elle leur donne une portée concrète, qui influera dorénavant sur lensemble de la législation. Elle y ajoute le principe de réparation, des dégradations causées au milieu lui-même, ainsi que le devoir de former et dinformer lensemble des Français. Des citoyens éclairés sur les enjeux fondamentaux pour le devenir de la planète, cest la garantie dun débat démocratique, rationnel et responsable, à la hauteur de ces enjeux. Nous suivons ici le conseil dEdgar Morin : « si on éduque pour le futur, on éduque en même temps le futur, on aide le futur à prendre un chemin qui ne soit pas catastrophique ».

La Charte est également conforme à notre engagement international puisque nous ne gagnerons le combat pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique quen mobilisant lensemble des pays développés, et en aidant les pays moins avancés à se développer de manière plus respectueuse de lenvironnement que nous ne lavons fait nous mêmes au cours de notre histoire. Dans cette perspective, nous ajouterons un « fonds carbone » qui, venant compléter notre aide au développement, nous permettra dagir sur des sites particulièrement émetteurs de gaz carbonique. En animant le processus international de préservation des forêts du bassin du Congo, en relançant une initiative pour la préservation des récifs coralliens, nous participons à la protection des milieux exceptionnels pour leur biodiversité.

Intégrer la Charte de lenvironnement dans notre socle constitutionnel, cest la marque la plus crédible de lengagement de la France pour une gouvernance mondiale de lenvironnement, pour cette organisation des Nations-Unies pour lenvironnement à la naissance de laquelle nous travaillons. La dynamique internationale est heureusement largement engagée sur ce sujets : Rio, Kyoto, en sont les preuves tangibles. Larticle 10 de la Charte marque la détermination de la France à aller dans cette direction.

Monsieur le Président du Congrès, Monsieur le Président du Sénat, Mesdames, Messieurs les Députés, Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Ce que je vous propose aujourdhui, en adossant la Charte de lenvironnement à notre Constitution, ce nest donc pas une réaction de peur devant lavenir, cest un acte de responsabilité.

Nous ne pourrons pas dire à nos enfants : « je ne savais pas ». Deux personnalités, aux compétences écologiques respectées, écrivaient récemment : « voter pour la Charte, cest ouvrir des possibles. La rejeter, cest dramatiquement restreindre lavenir ».

Vivons notre responsabilité comme un devoir davenir

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