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Installer un système de veille économique

01 Fév 2005

 Recherche et traitement de l’information utile aux acteurs économiques forment la veille ou l’intelligence économique. Depuis une dizaine d’années, les collectivités tentent d’anticiper et d’accompagner les évolutions économiques de leur territoire.

“Lorsque vous êtes un fabriquant de casseroles, mieux vaut savoir si le revêtement de matériel de cuisson récemment déposé par un laboratoire coréen va bouleverser toute l’industrie “, explique Gérard Pardini, directeur délégué à la Société nationale d’intelligence stratégique, Adit. Encore faut-il en être informé et pouvoir en mesurer les conséquences. Voilà en quoi consiste l’intelligence économique. Ce dispositif concerne les collectivités locales depuis une dizaine d’années. Elles ont senti que le dynamisme de leur territoire et l’avenir de leur économie sont liés à la capacité d’adaptation et d’anticipation des entreprises. Or, elles se sont bien rendues compte que les PME-PMI qui maillent leur territoire ne sont pas toujours assez structurées pour assurer une intelligence économique. Dès lors, elles ont décidé de s’y intéresser et ont progressivement mis en place des outils adéquats. ” Mais tout cela se fait dans le désordre et les territoires ont fait des choix très !

différents les uns des autres. Globalement, la France n’est pas en avance par rapport à ses voisins “, regrette Bertrand Mary, chargé de mission chez Entreprises, Territoires et Développement (ETD), structure d’observation des projets de territoire. Les choses semblent avoir peu évolué depuis que, en 1993, Henri Martre, alors président de l’Afnor, estimait, dans son rapport sur l’intelligence économique, qu’il était important de se préoccuper de ce problème à l’échelle nationale.

Rattraper le retard français. , Conscient du retard pris par la France, Dominique de Villepin, ministre de l’Intérieur, vient de décider la mise en place d’un grand chantier. Le gouvernement a choisi neuf régions pilotes et a remis aux préfets un guide pour installer les premiers outils d’intelligence économique. ” L’Etat s’appuiera sur ce qui a déjà été fait dans ce domaine par les collectivités et travaillera en coordination avec elles “, ajoute-t-on au ministère de l’Intérieur.

Parallèlement, les collectivités commencent à poser leur candidature pour les pôles de compétitivité, mis en place par le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (Ciadt) du 14 décembre 2004. Ces pôles auront pour but de favoriser les synergies autour de projets innovants, les territoires axant leur développement sur les activités dans lesquelles ils ont déjà des compétences. Un appel à projet a récemment été lancé par la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) et les territoires commencent à s’organiser pour y répondre. ” Pour savoir comment devenir un pôle de compétitivité, il est indispensable d’effectuer une veille économique efficace sur les territoires “, ajoute-t-on à la Datar.

L’intelligence économique s’organise en désignant, avant tout, une structure qui assure la coordination. Celle-ci peut être un grand groupe industriel, comme dans le pays de Montbéliard où le groupe Peugeot, principal acteur de l’économie locale, remplit cette fonction aux côtés des collectivités.

S’appuyer sur les CCI.En l’absence d’un tel acteur, ou pour développer la veille sur d’autres secteurs que les métiers du grand groupe, ce rôle peut être confié aux chambres de commerce et d’industrie. Les CCI, grâce aux relations qu’elles entretiennent avec les entreprises, étant des acteurs incontournables. La CCI de Touraine joue ainsi un rôle leader dans l’Observatoire économique de Touraine, une base de données à destination des entreprises (en partenariat avec le conseil général d’Indre-et-Loire et la communauté d’agglomération Tour(s)plus). Mais toutes les CCI ne disposent pas des moyens suffisants pour assurer ce travail et c’est souvent à une collectivité : une intercommunalité, un département ou une région, que revient la coordination du dispositif. Selon l’étude d’ETD (lire l’encadré p. 31) plus de la moitié des collectivités locales se sont organisées en interne, avec parfois l’aide d’une agence de développement ou d’urbanisme.

Définir un périmètre. Encore faut-il que la collectivité désignée soit l’échelon le plus approprié. Avec le projet de Dominique de Villepin, il semble que l’on se dirige vers la consécration des régions comme têtes de pont de l’intelligence économique. Cependant, quelques grandes agglomérations, comme Toulouse, pèseront largement dans la balance face aux régions. Ainsi, en Alsace, c’est le conseil régional qui coordonne l’intelligence économique avec la mise en place du programme Cogito, auquel participent près de 200 personnes. ” Mais le programme est décliné dans les différentes villes selon les besoins. La ville de Colmar, par exemple, est au centre du dispositif “, explique Jérôme Maurice, chargé de la veille économique au sein du conseil régional d’Alsace. Il est de toute façon indispensable que le coordonnateur tisse des partenariats avec les autres collectivités et l’ensemble des acteurs économiques afin de réaliser une veille économique efficace.

Fixer les objectifs prioritaires. L’étude d’ETD montre que c’est essentiellement pour suivre et anticiper les évolutions économiques locales et identifier les besoins présents et futurs du territoire que la veille économique est utilisée. Repérer les potentiels de développement du tissu économique local, dépister les opportunités d’investissement et d’implantation des entreprises extérieures, ou encore s’assurer une surveillance spécifique sur les secteurs fortement pourvoyeurs d’emplois sur le territoire représentent d’autres buts possibles. ” Quel que soit l’objectif, il est important de définir les priorités “, estime Gérard Pardini, directeur délégué à l’Adit. En effet, les partenariats et les outils ne seront pas les mêmes selon que l’on veut aider les PME ou surveiller un secteur spécifique. Le programme Décilor du conseil régional de Lorraine met en place des cellules de veille concernant trois filières stratégiques : le bois, le travail des métaux et la logistique!

. Il a également été élargi à la filière santé. Pascale Rozan, responsable du département ” nutrition et santé ” chez Etap-Ethologie appliquée (un organisme d’études et de recherches) explique : ” Nous sommes un petit laboratoire de sept personnes et nous n’avons pas toujours le temps de nous informer sur ce que font les concurrents ou les dernières recherches dans notre champ et Décilor nous est fort utile dans ce domaine. “

Regard sur l’étranger.” La veille économique, c’est bien souvent quelques personnes devant leur ordinateur “, explique Jean-Marc Germain, directeur du développement à Lille métropole (lire le témoignage ci-contre). En moyenne, les équipes chargées de la veille sont constituées d’une à deux personnes et l’existence de véritables cellules ne concerne, aujourd’hui, qu’une intercommunalité sur quatre. La plupart des personnes chargées de la veille sont des généralistes en aménagement et en développement territorial.

” Pour aller plus loin et observer les évolutions à l’étranger et faire, notamment, du benchmarcking (observation des pratiques des autres pays et territoires), il faut se doter d’une véritable cellule de veille et ne pas se contenter de lire la presse locale “, explique-t-on chez ETD. Il peut être intéressant d’avoir accès à une revue de presse thématique informatisée (agrégateur de presse) ou encore, pour des enjeux importants, aux cellules de suivi des secteurs présentes dans les ambassades de France à l’étranger.

— Pour en savoir plusL’Association des maires de France et l’association Entreprises, Territoires et Développement organiseroont, en mars, un séminaire intitulé ” Mise en place des systèmes et des outils pour la veille économique des intercommunalités “. Renseignements auprès de Bertrand Mary, chargé de mission, tél. : 01.43.92.68.06.

” Territoires, pôles de compétitivité et intelligence économique – aide-mémoire “, Compagnie européenne d’intelligence stratégique, janvier 2005. Site

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