Une recette de saison
Avant de savourer « un lièvre à la royale », jusquà sen mordre les doigts, il convient de sintéresser un peu à la bête. Ses murs, ses habitudes et ses modes de vie méritent mieux que de simples échos distillés à la suite de débats saisonniers. Certes, nous savons maintenant que le lièvre a les oreilles plus grandes que la tête et que son pelage roux peut même virer au rouge foncé lorsquil accomplit sa course grâce à ses longues pattes arrières.
De plus, le mâle remue la queue pour détaler. Ces informations semblent insuffisantes face à lengouement que cet animal suscite subitement chez les marmitons qui sont sur le point den faire un plat mythique pour la prochaine cuisine française. Et ce, tant par ses militants que par tous ces amateurs de la nouvelle « démocratie participative » quil y a lieu de distinguer parait-il de « la démocratie représentative ». Jusquà présent la démocratie, en tant que telle était, en soi, une notion suffisante. Elle a désormais besoin dune qualification « explicative » pour avoir un sens. Le lièvre cest bien connu a ce côté cabotin quand il se lève sur son séant. Il montre alors son ventre, tout de blanc vêtu, griffé par les meilleurs couturiers.
Rappelons que les lièvres – le bouquin, pour lui et la hase pour elle – passent pour des rusés. Il est vrai quils ont suivi les cours de cette grande Ecole Nationale des Animaux qui leur permet très souvent de tromper les chiens de chasse les plus aguerris. Ainsi, par exemple, traqués ils peuvent revenir sur leurs pas et par cette marche arrière égarer leurs poursuivants y compris en entrant dans un troupeau danimaux domestiques. Toutes les feintes sont possibles, pour bercer dillusions le rabatteur distrait pardon lélecteur crédule. On vient ainsi de nous promettre au terme dune merveilleuse déclaration que les élus pourraient être amenés à rendre des comptes à intervalles réguliers à « des jurys populaires, tirés au sort », puis de modifier et de clarifier soi disant cette promesse dans un invraisemblable brouhaha. Pour mémoire, nous noterons quà ce jeu de la tromperie le lièvre peut aussi se faire prendre à son propre piège. Le citoyen leurré pourrait un jour demander des comptes sur ces promesses électorales populistes. Il faut le savoir lengagement ne vaudra que pour dix ans seulement ! Ce sera un laps de temps suffisant pour supprimer ces subventions territoriales qui permettent honteusement à lécole privée de générer des notables. Sans entrer dans les détails du débat disons simplement que lexpérience des Ecoles de Commerce, qui sont entièrement privées et dont la scolarité est chèrement payée par lintéressé, témoigne bien de la stérilité de cette volonté égalitariste. Lélite sort des ESC et de HEC et tous les autres étudiants se retrouvent sur les bancs de luniversité pour finir par sasseoir, trop souvent, sur ceux de lANPE. Tout cela nest pas de la cuisine, mais de la tambouille.
Inconnu hier, le lièvre à la royale devient médiatiquement un plat quotidien à telle enseigne que la recette est banalisée comme sil sagissait dune simple gibelotte. Faut-il rappeler que la politique de notre pays ne peut se contenter dun simple saupoudrage dingrédients ? Tous les grands cuisiniers vous le diront, le lièvre à la royale demande un tour de mains qui ne peut se comparer en rien au plat que lon prépare habituellement dans sa région. Sans compter que pour lheure on naperçoit que quelques membres de la brigade qui accompagneront le chef. Rapidement les avis seront divergents sur la manière dont le lièvre sera assaisonné. Si chacun y va de son épice la cuisine sera dirigée par les gâtes sauces et les tournebroches.
Quel rapport y a-t-il entre le goût, la politique et la mode ? Tout y est de même. Le goût des hommes reste lun des cinq sens les plus difficiles à analyser rationnellement. Disons quil en est de même lorsquil sagit des élans qui touchent à la politique. Cest est avant tout une question de mode. Surtout en ce moment.
Un dernier point sur la recette qui peut se consommer comme un plat du lendemain. Froid, le lièvre à la royale se retrouve entouré de cornichons. Bien craquants. Gérard Gorrias
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