L’équipe de Sophie Ugolini et Eric Vivier de l’Unité Inserm 631 (Centre d’immunologie Inserm-CNRS-Université de la Méditerranée de Marseille Luminy) vient de mettre en évidence le rôle de certaines cellules du système immunitaire dans la lutte contre le Plasmodium falciparum, parasite responsable du paludisme.
Communiqué de presse – Lundi 10 Octobre 2005- Ces cellules dites « tueuses », jusqu’alors connues pour leur action dans la lutte contre les tumeurs et les virus, devront désormais être prises en compte dans la recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques et vaccinales contre le paludisme. Ces résultats sont publiés dans les Proceedings of the National Academy of Science (PNAS).
Responsable du paludisme, le parasite Plasmodium falciparum menace plus de 40% de la population mondiale et tue plus d’un million de personnes chaque année. Une simple piqûre de moustique infecté permet aux parasites de passer dans le sang et de rejoindre le foie où ils se développent et se multiplient. Après une période d’incubation de 5 à 7 jours, les parasites sont relâchés dans la circulation sanguine. Leur prolifération cyclique dans les globules rouges conduit à de fortes poussées de fièvres chroniques et dans certains cas à des anémies ou à des séquelles neurologiques graves pouvant entraîner la mort.
Les mécanismes de la réponse immunitaire à l’infection par Plasmodium sont encore mal connus. L’effort de la communauté scientifique s’était jusqu’alors porté principalement sur l’immunité adaptative (1), c’est-à-dire la réponse des lymphocytes B et T. Le rôle de l’immunité innée, qui est la première barrière contre les infections, a été relativement moins étudiée. Les cellules tueuses NK (Natural Killer), qui font partie du système immunitaire inné, ont un rôle bien établi lors d’infections virales ou lors du développement de tumeurs mais leur fonction lors d’infections parasitaires est mal définie.
Sophie Ugolini, Eric Vivier et leur équipe ont donc tenté d’élucider le rôle précis de ces cellules NK dans la réponse immunitaire contre Plasmodium falciparum, en les mettant en présence de globules rouges infectés par différentes souches du parasite.
Pour chacune des souches parasitaires testées, les cellules NK ont répondu de manière identique, en se liant aux globules rouges infectés et en libérant des substances qui “alertent” d’autres cellules du système immunitaire. Ainsi, pour lutter contre le paludisme, les cellules NK ne semblent pas utiliser leur arme habituelle qui consiste à détruire directement les cellules infectées, mais paraissent plutôt jouer un rôle recruteur et activateur d’autres types cellulaires.
Au terme d’une autre série d’expériences, les chercheurs sont parvenu à démontrer, pour la première fois, l’existence d’une collaboration étroite entre les cellules NK et les macrophages (2) lors de l’infection par le Plasmodium. Les chercheurs estiment que cette « collaboration cellulaire » pourrait fonctionner également dans la lutte contre d’autres parasites responsables de la toxoplasmose, de la leishmanose ou de la maladie du sommeil. L’implication d’une molécule, MyD88, liée à une voie de signalisation cellulaire conservée sur un plan évolutif de la mouche à l’homme a par ailleurs été mise en évidence.
Au-delà de la compréhension des mécanismes régissant l’immunité innée lors de l’infection par le Plasmodium, les résultats obtenus par l’équipe de Sophie Ugolini et Eric Vivier ouvrent une nouvelle piste de recherche prometteuse dans la lutte contre le paludisme en mettant en lumière de nouveaux points d’action possibles pour contrôler l’infection. En effet, le rôle des cellules NK devra dorénavant être pris en compte dans la recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques ou vaccinales.
Les chercheurs s’orientent maintenant vers l’identification des molécules permettant aux cellules NK de reconnaître directement les globules rouges infectés par le Plasmodium. Des collaborations sont en cours avec des laboratoires de l’Institut Pasteur de Paris et des études génétiques sur le terrain sont d’ores et déjà envisagées.
Notes :
1) L’immunité adaptative et l’immunité innée sont les deux systèmes de reconnaissance que possèdent les organismes vivants pour se protéger des pathogènes. Les vertébrés possèdent ces deux voies de reconnaissance, alors que les invertébrés (90% des êtres vivants) ne peuvent compter que sur l’immunité innée.
2) Cellules du système immunitaire dont le rôle est de phagocyter, c’est à dire détruire en absorbant, les corps étrangers à l’organisme.
Références :
Natural Killer cell and Macrophage cooperation in MyD88-dependent innate responses to Plasmodium falciparum
M.Baratin1, S.Roetynck1, C.Lépolard2, C.Falk3, S.Sawadogo4, S.Uematsu5, S.Akira5, B.Ryffel6, J.G.Tiraby7, L.Alexopoulou1, C.J.Kirschning8, J.Gysin2, E.Vivier1, S.Ugolini1
(1) Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, Inserm, CNRS, Université de la Méditerranée, Marseille, France
(2) Unité de Parasitologie Expérimentale, URA Institut Pasteur, Université de la Méditerranée, Marseille France
(3) Institute for Molecular Immunology, National Research Center for Environment and Health, Münich, Germany
(4) Faculté de Pharmacie, Laboratoire d’Immunogénétique du Paludisme, Marseille, France
(5) Departement of Host defense, Research Institute for Microbial Diseases, Osaka University, Japan
(6) Institut de Transgénose, CNRS, Orléans, France
(7) Cayla, Toulouse, France
(8) Institu für Medizinische Mikrobiologie, Immunologie und Hygiene Technical University of Münich, Germany
PNAS published October 3, 2005, 10.1073/pnas.0507355102
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Contacts chercheurs : Unité Inserm 631 Centre d’immunologie Inserm-CNRS-Université de la Méditerranée de Marseille Luminy Sophie Ugolini : tel : 04 91 26 94 93, [email protected] Eric Vivier Tel : 04 91 26 94 [email protected] Contacts presse : |
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