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CNRS : Deux énigmes de la physique stellaire résolues

30 Sep 2005

Deux énigmes de la physique stellaire résolues grâce à un phénomène observé dans l’atmosphère terrestre

Jusqu’à présent, aucun modèle hydrodynamique ne pouvait expliquer en même temps de façon satisfaisante la rotation rigide de la zone radiative du Soleil et l’abondance du lithium à sa surface et dans les étoiles de faible masse. Un modèle d’évolution stellaire, développé par Corinne Charbonnel (CNRS – Observatoire de l’Université de Genève) et Suzanne Talon (Université de Montréal), explique simultanément ces deux phénomènes grâce à l’incorporation d’un phénomène observé dans l’atmosphère terrestre. Ce résultat est publié dans la revue Science du 30 septembre 2005.

Comme toutes les étoiles, le Soleil est en rotation. Cette propriété universelle est fondamentale, car elle engendre de nombreuses instabilités hydrodynamiques au sein de l’étoile, qui s’ajoutent aux réactions nucléaires pour modifier sa composition chimique et influencent fortement sa destinée. Dans les étoiles dites de faible masse comme le Soleil, qui tournent très vite à leur naissance pour être ensuite freinées à cause de leur champ magnétique, deux traceurs nous renseignent sur ces phénomènes. Le premier est la mesure de l’abondance en lithium [1] observée à la surface du Soleil et des étoiles peuplant les amas ouverts galactiques et qui décroît au cours du temps. Le second est le profil plat de rotation interne du Soleil[2] mesuré par l’héliosismologie[3]. Ces données fondamentales ont pendant longtemps constitué un véritable défi aux modèles hydrodynamiques classiques.

 

 

Pour la première fois, un modèle d’évolution stellaire est capable d’expliquer simultanément la rotation solaire ainsi que l’abondance du lithium dans les étoiles de faible masse. L’ingrédient essentiel, et nouveau, dans ce modèle est le transport très efficace du moment cinétique par les ondes internes de gravité qui sont générées par les enveloppes convectives stellaires.

 

 

Les ondes internes de gravité existant dans l’atmosphère terrestre sont bien connues en géophysique. Produites par injection d’énergie cinétique d’éléments turbulents dans une région stable, elles sont présentes par exemple à l’interface atmosphère-nuages, ou lorsqu’un vent est comprimé à la rencontre d’une montagne. Dans l’atmosphère terrestre, elles génèrent la « turbulence en air clair » redoutée par les pilotes d’avion. Elles jouent un rôle clé dans le renversement périodique des vents stratosphériques au-dessus de l’équateur, phénomène connu sous le nom d’oscillation quasi-biennale (QBO) qui influe sur les quantités d’ozone aux latitudes moyennes et élevées et concourt peut-être à l’activité cyclonique.

 

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L’abondance en lithium dans les étoiles des Hyades, amas ouvert le plus proche de nous (à seulement 150 années-lumière) et âgé de seulement 600 millions d’années environ, est étudiée depuis quarante ans. Elle nous renseigne sur les processus hydrodynamiques dont les étoiles analogues au Soleil sont le siège au début de leur évolution. Cette information, connue également pour des étoiles de différentes masses dans les Hyades et dans d’autres amas ouverts d’âges variés, a joué un rôle crucial pour tester le modèle présenté ici.
© T. Credner & S. Kohle, AlltheSky.com.

 

En physique stellaire, les ondes internes émises à la base des enveloppes convectives sont étudiées depuis les années 80 pour leur capacité à transporter les éléments chimiques et le moment cinétique. Très récemment, une étape théorique cruciale a été franchie grâce à la modélisation d’une propriété essentielle de ces ondes. A l’interface entre les zones radiatives et convectives, elles créent une zone de turbulence similaire à la QBO atmosphérique et baptisée SLO (shear layer oscillation) qui oscille sur une échelle de temps de quelques années. Cette région assure le filtrage entre les ondes progrades et les ondes rétrogrades[4], et permet aux ondes de bas degré et basse fréquence de freiner efficacement le cur de l’étoile.

 

 

C’est la prise en compte de ce phénomène dans un modèle d’évolution stellaire en rotation qui vient de permettre d’expliquer simultanément la rotation solide du Soleil et le comportement du lithium dans le Soleil et les étoiles analogues de faible masse. Ce formalisme très prometteur pourrait résoudre d’autres énigmes de l’évolution stellaire. Seront ainsi prochainement étudiés le rôle des ondes internes dans les étoiles les plus vieilles de notre Galaxie dont l’abondance en lithium est une énigme cosmologique, ainsi que leur impact dans les étoiles géantes qui contribuent à l’évolution chimique de l’Univers.

Notes :
1) Le lithium est un élément fragile, détruit par réaction nucléaire à relativement basse température (pour un intérieur stellaire, environ 2,5 millions de degrés). Son abondance à la surface des étoiles est un excellent traceur des processus hydrodynamiques dont elles sont le siège.
2) Le Soleil interne se compose d’un noyau puis d’une zone radiative et enfin d’une zone convective.
3) La rotation à la surface du Soleil est différentielle. Les données d’héliosismologie obtenues avec le satellite SOHO montrent qu’au sein de la zone convective la rotation est également différentielle mais qu’elle devient rigide dans la zone radiative se situant en-dessous de la zone convective. Les données sur les régions les plus centrales du Soleil sont encore inaccessibles aux mesures aujourd’hui ce qui nécessitera de futures expériences héliosismiques spatiales. Ces futures observations seront utiles pour distinguer le modèle incluant les ondes présentées ici, des modèles magnéto-hydrodynamiques qui stipulent la présence d’un champ magnétique à l’intérieur du Soleil.
4) Les ondes progrades accompagnent le sens de la rotation de l’étoile, et transportent un moment cinétique positif. À l’inverse les ondes rétrogrades se propagent en sens inverse de la rotation et transportent un moment négatif.

Références :
Corinne Charbonnel, Suzanne Talon, Influence of gravity waves on the internal rotation and lithium abundance of solar-type stars, Science 30/09/2005

Contacts :
Contact chercheur :
Corinne Charbonnel, Observatoire de l’Universite de Genève
Tél. : (41) 22 379 24 52
Mél : [email protected]

Contact CNRS-INSU :
Philippe Chauvin – Tél. : 01 44 96 43 36
Mél : [email protected]

Contact presse CNRS:
Martine Hasler – Tél : 01 44 96 46 35
Mél : [email protected]

Contact presse Université de Genève :
Charles-Antoine Courcoux, Université de Genève
Tél. : 022 379 77 96
Mél : [email protected]

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