Dans 50 à 100 ans, les squelettes externes de certains organismes marins pourraient commencer à se dissoudre et à ne plus pouvoir se former. La cause ? L’acidification de l’eau de mer, entraînée par l’absorption par les océans du dioxyde de carbone en augmentation dans l’atmosphère.
Ces travaux, menés par une équipe internationale composée notamment de chercheurs de trois laboratoires français (1) sont publiés dans la revue Nature du 29 septembre 2005.
La combustion des énergies fossiles entraîne en moyenne, chaque jour et par personne, la production de 11 kg de dioxyde de carbone dont 4 kg sont absorbés par l’océan. Au total, ce sont plus de 25 millions de tonnes de gaz carbonique qui se combinent quotidiennement avec l’eau de mer. Cette réaction provoque l’acidification de l’eau de mer, ce qui limite la synthèse de carbonate de calcium, la principale brique du calcaire dont le squelette externe des organismes marins est constitué.
En utilisant des données récentes et 13 modèles numériques, une équipe d’océanographes Européens, Japonais, Australiens et Américains a simulé l’évolution des carbonates à partir des scénarios d’émissions de CO2 établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.(GIEC).
Le scénario standard (2)/> prévoit que dans environ 50 ans les eaux de surface les plus froides de l’océan, comme en mer de Weddell au large de l’Antarctique, vont devenir corrosives pour une forme de calcaire appelée aragonite. Ainsi les « ptéropodes » sont en danger, la coquille de ces mollusques planctoniques qui nagent dans la couche supérieure de l’océan étant en aragonite. Et si le CO2 atmosphérique continue d’augmenter, il est très probable que vers la fin de ce siècle l’eau de mer devienne corrosive pour l’aragonite dans tout l’océan Austral ainsi que dans une partie du Pacifique Nord. Ces organismes calcaires, très abondants dans ces régions, pourraient donc ne plus être capables de constituer leur coquille. Un tel environnement corrosif serait sans précédent depuis probablement plusieurs millions d’années.
Pour compléter ces estimations, des expériences en mer ont montré que les coquilles des ptéropodes vivants se dissolvaient effectivement quand l’eau de mer atteignait les conditions corrosives prévues pour l’année 2100. La diminution des ptéropodes pourrait provoquer des réactions en chaîne, puisqu’ils constituent la nourriture de base d’organismes allant du zooplancton à la baleine, en passant par des espèces commercialement importantes comme les saumons dans le Pacifique Nord.
Les coraux sont également menacés par cette acidification, particulièrement ceux baignés dans les eaux froides, comme l’Océan Atlantique Nord, qui devraient se dissoudre en premier. Car si leur squelette de carbonate de calcium est indispensable pour leur propre développement, celui-ci fournit également l’habitat aux poissons hauturiers, aux anguilles, aux crabes, aux oursins… le squelette externe de ces derniers étant aussi menacé directement par l’acidification.
Préciser l’impact de ces changements sur les écosystèmes et la biodiversité est un défi que les recherches futures devront relever.
Notes :
1) Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL : CEA CNRS)
Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et analyses numériques (LOCEAN/IPSL : CNRS IRD MNHN Université Paris 6)
Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS : CNRS CNES IRD Université Toulouse 3)
2) Scénario IS92a « business-as-usual »
Références :
Anthropogenic ocean acidification over the twenty-first century and its impact on calcifying
organisms, Orr J. et al., Nature, 29 septembre 2005
Contacts : |
Contacts chercheurs : James Orr LSCE Tél : +1 (303) 882-3502 (portable aux Etats-Unis) – Mél : [email protected] Patrick Monfray LEGOS Contact département des Sciences de l’Univers du CNRS : Contacts presse : CEA : Célie Simeray |
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