Une équipe de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec le Génoscope, a décrypté les mécanismes astucieux développés par une bactérie pour proliférer au cur de l’Antarctique. En décortiquant son génome, les chercheurs ont révélé plusieurs évolutions du métabolisme de cette bactérie qui lui permettent de résister efficacement aux très basses températures et d’y proliférer avec une grande efficacité.
Au-delà de la connaissance sur l’adaptabilité de la vie dans des conditions extrêmes, ces travaux publiés online sur le site de Genome Research, pourraient permettre le développement de nouveaux outils biotechnologiques basés sur cette machinerie biologique adaptée aux grands froids.
Depuis quelques années, beaucoup d’études ont été faites sur l’adaptation de la vie aux conditions extrêmes. Mais si le métabolisme des organismes qui se développent dans les sources d’eau chaudes commence à être maintenant connu, la connaissance de bactéries capables de se développer avec une grande efficacité en dessous de 15 °C, température retrouvée sur près de trois quarts de la planète, est une nouveauté.
Les chercheurs de l’équipe d’Antoine Danchin, responsable de l’Unité de génétique des génomes bactériens (Institut Pasteur-CNRS), ont utilisé une bactérie, Pseudoalteromonas haloplanktis, qui pousse dans l’Antarctique, près de la station de recherche Dumont d’Urville. En collaboration avec le Génoscope d’Evry, l’Université de Hong Kong et des chercheurs des universités de Liège, Naples et Stockholm, ils ont décortiqué le génome de cette bactérie et reconstruit les multiples astuces métaboliques qui lui permettent de proliférer dans cet environnement hostile pour l’homme. Ils ont trouvé ainsi comment la bactérie a su s’adapter à la présence de hautes concentrations de l’oxygène atmosphérique qui se dissout très bien dans l’eau froide et devient alors un élément réactif très toxique générant des radicaux libres. Au lieu de développer des voies métaboliques qui servent à éliminer les produits toxiques issus de cet élément, comme le font les autres organismes, P. haloplanktis a au contraire optimisé les mécanismes lui permettant d’utiliser directement l’oxygène comme source d’énergie. Par ailleurs, pour garder une bonne fluidité de sa membrane, ce qui l’empêche de se figer aux basses températures, elle modifie sa composition lipidique grâce à une enzyme particulière qui, elle aussi, utilise ce même oxygène présent et participe à son élimination.
De nombreuses propriétés ont encore été mises à jour comme la modification de la composition en acides aminés des protéines. En effet, les organismes vivant aux températures dites normales utilisent peu un acide aminé fragile, l’asparagine, malgré ses propriétés intéressantes car il dégénère chimiquement au cours du temps et est donc un des facteurs les plus importants du vieillissement. La bactérie P. haloplanktis, protégée du vieillissement par le froid, utilise l’asparagine en plus grande proportion dans ses protéines.
L’analyse approfondie de toutes ces voies nouvelles pourrait ouvrir la voie à la découverte d’outils permettant par exemple de synthétiser à basse température des molécules intéressantes ou utiles, comme l’albumine, qui sont actuellement difficiles à produire dans les conditions standard.
Références :
« Coping with cold : The genome of the versatile marine Antarctica bacterium Pseudoalteromonas haloplanktis TAC125 » : Genome Research, octobre 2005.
Claudine Médigue1, Evelyne Krin2, Géraldine Pascal1,2, Valérie Barbe1, Andreas Bernsel3, Philippe N. Bertin4, Frankie Cheung5, Stéphane Cruveiller1, Salvino D’Amico6, Angela Duilio7, Gang Fang2, Georges Feller6, Christine Ho5, Sophie Mangenot1, Gennaro Marino7, Johan Nilsson3, Ermenegilda Parrili7, Eduardo P. C. Rocha2, Zoé Rouy1, Agnieszka Sekowska2,8, Maria Luisa Tutino7, David Vallenet1, Gunnar von Heijne3, et Antoine Danchin2,9.
1.Genoscope, CNRS-UMR 8030 Atelier de Génomique Comparative, Evry, France
2.Unité de Génétique des Génomes Bactériens, Institut Pasteur, Paris, France
3.Department of Biochemistry and Biophysics, Université de Stockolhm, Suède
4.Dynamique, Evolution et Expression de Génomes de Micro-organismes, Université Louis Pasteur, Strasbourg, France
5.Computer Centre, The University of Hong Kong, Hong Kong
6.Laboratoire de Biochimie, Institut de Chimie B6, Université de Liège, Belgique
7.Dipartimento di Chimica Organica e Biochemica, Complesso Universitario Monte S. Angelo, Naples , Italie
8.Laboratoire Stress Oxydants et Cancer, CEA Saclay, Gif sur Yvette, France
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Service de presse de l’Institut Pasteur Nadine Peyrolo ou Bruno Baron Tél : 01 44 38 91 30 Courriel : [email protected] Bureau de presse du CNRS |
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