Une expédition pour reconstituer l’histoire des variations globales du niveau des mers et des événements de type El Nino
Des scientifiques de 9 nations entameront début octobre, dans le cadre du programme IODP (Integrated ocean drilling program), une campagne de forages autour de Tahiti. Cette expédition est destinée à étudier la variation globale du niveau des mers depuis le dernier maximum glaciaire, soit environ 23 000 ans. Pendant six semaines, à bord du navire DP HUNTER, l’équipe scientifique, composée notamment de chercheurs CNRS-INSU, travaillera à la reconstitution géologique la plus approfondie jamais entreprise dans l’environnement d’un récif corallien.
A proximité de la côte tahitienne, les scientifiques du programme IODP échantillonneront les coraux fossiles de la barrière de corail pour analyser les variations de l’environnement enregistrées dans leurs squelettes au fil du temps. Ils espèrent ainsi reconstituer les variations de la température de l’eau et découvrir des informations sur des anomalies climatiques, telles que des événements de type El Nino (oscillation sud-atlantique), survenues durant cette période.
L’équipe scientifique d’IODP(1) />a pour objectif de recueillir le maximum d’informations sur les fluctuations et la vitesse des variations globales du niveau des mers dans le passé. Elle espère ainsi apporter des éléments pour mieux comprendre comment le réchauffement climatique global actuel pourra affecter le niveau de la mer au présent et dans l’avenir. Depuis le dernier maximum glaciaire, il y a environ 23 000 ans, le niveau global de la mer s’est élevé d’environ 126 mètres, principalement du fait de la fonte des calottes glaciaires et de la dilatation de la masse océanique globale liée à l’augmentation de la température.
Les scientifiques pensent que Tahiti, située dans une zone tectoniquement stable, est particulièrement propice pour ce type d’investigations. Les variations du niveau des mers y sont uniquement attribuables aux effets globaux. Les coraux sont écologiquement très exigeants et sont particulièrement sensibles aux changements environnementaux, naturels comme anthropiques. Ce sont donc d’excellents enregistreurs des changements passés du niveau des mers et du climat.
Les forages échantillonneront les coraux fossiles, c’est-à-dire la partie morte du récif, construite sur des milliers d’années. Ils constituent des archives inestimables pour déchiffrer le comportement à long terme du système océan-atmosphère et la manière dont ce système a répondu aux modifications naturelles ou causés par l’homme. Les récifs vivants ne seront pas affectés. Les coraux vivent sous une tranche d’eau très étroite et peu profonde et peuvent donc être utilisés comme des marqueurs absolus du niveau de la mer. Ils représentent également de très bons chronomètres car ils peuvent être datés par les méthodes radiométriques. Ces méthodes sont maintenant tellement précises que même les coraux les plus anciens pourront être datés avec une précision de l’ordre de 50 ans. Une telle précision est indispensable pour reconstituer en détail les variations passées du niveau de la mer.
Le co-chef de mission japonais de l’Université de Tohoku, Yasufumi Iryu, déclare « nous sommes très excités à l’idée d’être capables de comprendre, pour la première fois, ces changements passés de l’environnement avec une telle finesse ». Selon le second co-chef de mission français, Gilbert Camoin, chercheur du CNRS au Centre européen de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement (CEREGE), « Comprendre la vitesse avec laquelle le niveau de la mer et l’environnement ont varié est vital pour comprendre les effets actuels de l’activité humaine sur l’environnement terrestre ».
Proposée dès 1998, cette expédition n’a pas pu être réalisée avec le navire de forage utilisé à l’époque. Elle a pu finalement être mise en oeuvre grâce à la large gamme de plates formes offerte aux scientifiques dans le cadre du nouveau programme international de forage IODP. Partenaire d’IODP, le consortium européen ECORD (European Consortium for Ocean Drilling)(2)/>, a mis en place un opérateur scientifique, ESO (the ECORD Science Operator)(3), pour mettre en oeuvre de nouvelles techniques qui élargissent les environnements sous marins accessibles aux forages.
A la fin de la campagne, les carottes de corail fossile seront transportées par bateau jusqu’à à Brême en Allemagne. A la mi-février, les scientifiques de l’expédition seront de nouveau réunis à la carothèque IODP de l’université de Brême pour analyser en détail les coraux fossiles et les roches récifales associées.
Plus d’informations sur le déroulement de la campagne et les activités à bord du navire seront disponibles sur le site d’ECORD : www.ecord.org
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Notes :
(1) Le programme intégré IODP (Integrated ocean drilling program) est un programme international de recherche marine, destiné à améliorer notre compréhension de la Terre par l’observation et l’échantillonnage du plancher océanique. Grâce à la mise en oeuvre d’une large gamme de plate-formes de forage, les scientifiques peuvent aborder des recherches sur les principaux thèmes du programme : la biosphère profonde, les changements climatiques, ou encore la dynamique du globe terrestre. Les plates formes spécifiques sont mises en oeuvre, au coup par coup, par l’ESO, l’un des opérateurs d’IODP. Deux autres opérateurs d’IODP, au Japon et au Etats-Unis, sont chargés de mettre en oeuvre un navire de forage, respectivement avec ou sans riser. Le coût total des dix premières années du programme IODP, évalué à 1,5 milliards de dollars, est financé par la National Science Foundation américaine et le Ministère japonais de l’éducation, de la culture, des sports, de la Science et de la Technologie avec le concours d’ECORD (membre contributeur) et du Ministère chinois de la science et de la technologie. Plus d’informations sur IODP sont disponibles sur le site : www.iodp.org
(2) Le consortium européen ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling) représente et finance la participation européenne aux forages océaniques.
(3) ESO, l’opérateur scientifique d’ ECORD, est un groupement d’institutions scientifiques qui met en oeuvre des opérations de forage dans le cadre d’IODP. Coordonné par le British Geological Survey, ESO comprend également l’Université de Brême ainsi que le Consortium Européen de Pétrophysique (Universités de Leicester, Montpellier, Aachen et Amsterdam).
Contacts : |
Pour plus d’informations, interviews et photos, vous pouvez contacter : En France Christiane Grappin, CNRS-INSU E-mail : [email protected] Téléphone : +33 (0)1 44 96 43 37 Gilbert Camoin, chercheur au CEREGE Muriel Ilous, bureau de presse du CNRS En Grande Bretagne En Allemagne et Europe Centrale En Amérique du nord |
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