Des chiffres et des lettres
Un chercheur de lUNIGE participe à lélaboration doutils permettant de suivre la production de sens de textes littéraires Des chercheurs, parmi lesquels Jean-Pierre Eckmann, professeur de physique théorique et de mathématiques à lUniversité de Genève (UNIGE), viennent de mettre au point des outils permettant de suivre le développement des idées contenues dans un texte. Grâce à leur travail, les scientifiques peuvent expliquer comment nous, lectrices ou lecteurs, utilisons notre mémoire afin de reconstituer la signification dun ensemble textuel. Ils démontrent en outre comment nous parvenons à faire passer nos idées dans des mots de manière à ce que quelquun dautre les comprenne. Une opération complexe qui implique notamment la traduction dune idée en une séquence unidimensionnelle: un enchaînement de mots. Ces travaux innovateurs font aujourdhui lobjet dune publication dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).
Réunie au sein du Weizmann Institute of Science (Israël), une équipe internationale de chercheurs composée de physiciens, dont Jean-Pierre Eckmann de lUNIGE, et de spécialistes du langage, vient dexplorer certains de nos processus de signification avec des méthodes originales. Sous leur loupe: des textes qui sont des modèles en termes de transmission didées, comme les écrits dAlbert Einstein, et certains textes célèbres du patrimoine littéraire, allant de Tom Sawyer de Mark Twain ou La Métamorphose de Kafka à Naked Lunch de Burroughs. Léquipe a mis au point des outils mathématiques avec lesquels elle a retracé le cheminement que prennent les idées à travers ces livres.
Pensée et mémoire: extracteurs de sens
Parce quelles sont unidimensionnelles, les chaînes de mots qui constituent les phrases et les textes manquent de profondeur, au sens littéral. A partir delles, au cours de la lecture, ce sont la pensée et la mémoire qui ont à charge de recréer des notions compliquées et dinsuffler un sens au texte quelles forment. Les travaux auxquels a pris part le prof. Eckmann se fondent notamment sur deux constats. Dune part, toute narration est structurée de manière hiérarchisée (chapitres-paragraphes-phrases).
Dautre part, le cerveau déchiffre cette structure codée et permet ainsi la compréhension dun concept abstrait.
Un réseau de vecteurs
Pour parvenir à leurs résultats, les chercheurs ont dabord circonscrit des «fenêtres dattention» denviron 200 mots et, dans chacune delles, ont ensuite défini des mots allant par couples, parce quils apparaissent fréquemment proches les uns des autres.
Université de Genève
Puis, à partir des listes de mots établies selon ces critères, éliminant des mots comme les articles (le, la, les), les chercheurs ont utilisé leur méthode danalyse pour construire une sorte de réseau de vecteurs didées, cest-à-dire une toile de mots qui transmettent les idées principales des textes. Dun point de vue mathématique, ces vecteurs peuvent aller dans de nombreuses directions ; laction de lire un texte étant ainsi envisagée comme une excursion sur les sentiers tracés au coeur dun réseau.
Ce que les scientifiques suggèrent via lanalyse mathématique des textes a trait à ce réseau qui, basé sur une structure en arborescence, pourrait bien correspondre à lun des étayages fondamentaux du langage. En lisant ou en écoutant, lêtre humain peut recomposer la structure intrinsèque dun texte, et par conséquent, lespace multidimensionnel des idées, saisissant dans son esprit la signification originelle, celle de lauteur.
Une question déjà débattue en philosophie
De Wittgenstein à Chomsky, les penseurs nous ont enseigné que le langage a joué un rôle central dans lévolution du cerveau humain ; ils ont déjà souligné que révéler la structure du langage est une étape essentielle à la compréhension de la structure cérébrale. La singularité de lapproche proposée par le prof. Eckmann réside dans la proposition dinstruments qui peuvent servir à mettre en évidence le lien entre les concepts ou les idées, et les mots choisis pour les exprimer. Il est ainsi désormais possible de retranscrire et de comprendre, dans un langage mathématique, le parcours queffectuent les idées au sein dun texte, quil soit littéraire ou scientifique.
Contacts:
Pour obtenir de plus amples informations, nhésitez pas à contacter
le prof. Jean-Pierre Eckmann au 022 379 63 60 ou à [email protected]
Presse, information, publications:
24 rue du Général-Dufour – CH-1211 Genève 4 – Tél. 022 379 77 17 – Fax 022 379 77 29
E-mail: [email protected], www.unige.ch/presse
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