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Discours de François BAYROU – L’Europe a besoin de notre OUI

30 Mai 2005

Le centre de la réflexion est celui-ci : il y a depuis longtemps en France deux thèses : ceux qui croient que, dans le monde comme il est en train de se bâtir, avec limmense puissance américaine et quand je dis « immense puissance », ce nest pas un effet rhétorique avec la superpuissance américaine et avec limmense puissance chinoise qui est en train démerger, dans ce monde là, il y a ceux qui croient que nous pouvons tout faire tout seuls et ceux qui croient que, pour sauver nos valeurs, notre manière dêtre, il faut être unis en Europe entre les pays européens.

Chers amis,

Je voudrais exprimer deux choses. La première, cest le sentiment chaleureux, affectueux, que jéprouve à me trouver avec vous ici, le bonheur que jai à être là. Dabord parce vous êtes là. Vous avez pris sur votre temps pour venir réfléchir à ce très grand enjeu. Ensuite, parce que je me sens bien entouré à cette tribune. Nous avons eu une rencontre très importante et intéressante à lUniversité Lyon III avec plusieurs centaines détudiants, qui a duré 2 ou 3 heures. Cétait très chaleureux, et il y avait là déjà une partie des élus qui sont autour de moi à la tribune : Anne-Marie Comparini qui va nous rejoindre et qui fait un très bon travail à lAssemblée nationale, Thierry Cornillet, député européen qui est un des pères de la Charte des droits fondamentaux cest un des deux Français qui a rédigé la Charte, donc le deuxième chapitre de la Constitution . Je suis très content de retrouver Muguette Dini qui est lune des figures désormais de notre groupe au Sénat. Je suis très content de retrouver mes complices de toute la semaine : François Rochebloine et Gilles Artigues, députés de la Loire, avec qui nous partageons beaucoup dengagements. Je suis très heureux de retrouver Michel Mercier qui est pour moi lune des sécurités de ma vie politique : sécurité intellectuelle, parce quil pense juste avec une culture historique, juridique impressionnante ; sécurité amicale parce quil fait partie de ce petit groupe qui a la responsabilité de notre famille politique ; sécurité financière parce quil est le trésorier de notre mouvement, et ce nest pas rien dêtre le trésorier dun mouvement (je vous ferai observer quavec Michel Mercier, qui est trésorier à mes côtés depuis 10 ans, nous navons jamais rencontré aucune de ces « difficultés » que rencontrent les autres formations politiques) ; et sécurité politique comme élu, parce quau-delà de lamitié, cest lun des hommes qui représente le mieux le tissu français, qui le comprend le mieux et qui lexprime avec le plus de simplicité et le plus de force. Je voulais donc devant vous dire bonjour, et merci, à Michel Mercier. Et jai gardé pour la bonne bouche Bernard Bosson. Vous savez tout de notre amitié, de nos combats communs, partagés. Je remercie enfin Dominique Perben, Garde des Sceaux, davoir eu la gentillesse de nous rejoindre

Mais il y a une chose que vous ignorez : cest que, si nous sommes là ce soir, à discuter de la Constitution européenne, cest un peu parce que nous, à lUDF, nous nous sommes engagés les premiers sur ce sujet. LUnion européenne a connu un certain nombre détapes. Je les passe en revue très rapidement devant vous. Première étape : la Communauté du charbon et de lacier. Cest une incroyable aventure : deux peuples qui sétaient fait trois guerres en 75 ans, et pas nimporte quelles guerres. Je suis né et jhabite dans un village de 350 habitants. Sur le monument aux morts de mon village, il y a 36 noms cest léquivalent de ce que représenteraient dans un pays comme la France entre 6 et 7 millions de morts aujourdhui la moitié, plus de la moitié des garçons dune génération entre 20 et 40 ans, fauchée. Ces hommes formidables, Schuman et Monnet, que je vénère je nemploie pas ce mot fréquemment à légard de responsables politiques ni même dhommes dHistoire ont eu ce geste prophétique en 1950, à peine 5 ans après la fin de la guerre, de dire : ces deux biens, pour lesquels nous nous sommes fait trois guerres, le charbon et lacier le hasard ayant voulu que lun tombe chez les uns et lautre chez les autres , nous allons les mettre en commun. Aujourdhui, cela nous paraît rien. Cest exactement comme si, aujourdhui, Israéliens et Palestiniens décidaient de mettre en commun les deux biens pour lesquels ils sont en guerre : leau et les lieux saints. Ils ont fait cela, et jemploie le mot « prophétique » pour cette vision.

Quatre ans après, on va réaliser une idée formidable, on va faire la Communauté de défense, on va bâtir la défense européenne. Ils ont cette idée, ils écrivent le traité, ils en convainquent chacun des autres, et puis lAssemblée nationale vote non. 51 ans après, nous navons toujours pas de défenseeuropéenne.

En 1957, ils remettent luvre sur le métier et décident que, puisque lEurope na pas voulu passer par la voie politique, ils allaient désormais emprunter la voie réaliste de léconomie. Et ils inventent cette idée formidable du Marché commun. A cette époque aussi, il y a eu des craintes, et même des craintes de grands hommes, même dun grand homme que nous admirons beaucoup, Pierre Mendès-France. Il est monté à la tribune de lAssemblée nationale pour voter contre le Traité de Rome, contre le Marché commun, en disant : « la France nest pas capable de supporter la concurrence de ses voisins ». Songeons toujours à cela lorsque nous entendons aujourdhui des déclarations défaitistes de cet ordre. Nous avons non seulement été capables de supporter la concurrence des voisins, mais de la saisir comme une chance formidable dexpansion. Nous avons doublé notre richesse nationale en moins de 15 ans doublé, vous vous rendez compte de ce que cela veut dire comme rythme de croissance. Formidable aventure.

Après, on rentre dans une période plus noire. Madame Thatcher dit : « I want my money back ! » (« je veux quon me rende mes sous !»). Cest une période deuro-sclérose, deuro-pessimisme. Et puis, au milieu des années 80, Jacques Delors, François Mitterrand, décident quil faut reprendre louvrage où on lavait laissé, aller au bout du Marché commun en faisant ce que lon a appelé « lActe unique » (1986), cest-à-dire rendre définitive la libre circulation de tous les produits sur le territoire européen. Il y a des hommes qui ont voulu et conduit à leur terme ce magnifique effort européen, sans lequel nous ne serions pas là aujourdhui. Parce que lActe unique, le Marché unique, cest la monnaie unique, et cest la monnaie unique qui fait quil faut une construction politique.

Eh bien lActe unique, cest lui, cest Bernard Bosson qui, en 1986, a négocié et signé au nom de la France lActe unique. Il est donc, dune certaine manière, non seulement lun des responsables et lun des porteurs de la construction européenne, mais lun de ceux qui font que nous sommes là, aujourdhui, pour placer la clé de voûte au sommet de notre édifice.

Vous comprendrez donc, mes chers amis, la joie que jai à être là et la certitude que jexprime que notre famille politique est naturellement la famille politique la plus engagée pour cette idée de Constitution. Lorsque jai eu linconscience disons le comme ça de proposer cette idée en 1999, au moment des élections européennes, dans le scepticisme absolu et lironie de beaucoup, y compris de ceux qui défendent cette idée ardemment je nen doute pas aujourdhui, personne ny croyait. Lorsque nous avons écrit et publié le premier texte de Constitution à lautomne 1999, dès le lendemain est venu me voir le conseiller pour les affaires étrangères du président de la République fédérale dAllemagne. Il ma dit : « Ce que vous avez fait nous intéresseimmensément parce que,vous ne le savezpeut-être pas, cest la première fois quon propose un texte écrit de Constitution. Jamais cela ne sétait fait ». Et cest Valéry Giscard dEstaing qui a fait luvre éminente, très difficile, presque impossible, de diriger le groupe de ceux qui ont écrit la Constitution européenne.

Ce nétait pas tout à fait rien. Personne ne croyait que cela pouvait réussir. Et tous les noms que je viens dégrener, cette famille, de Schuman jusquaux auteurs de la Constitution européenne daujourdhui, en passant par les plus jeunes, Bernard Bosson, mais aussi le Président Giscard dEstaing, cette famille politique là est responsable. Elle est plus responsable que dautres de lavenir de la construction européenne. A la vérité, il y a deux familles qui ont joué ce rôle : la nôtre et la famille sociale-démocrate, le parti socialiste du temps où il était unanimement européen. Cette responsabilité,nous voulons lassumer. Je vous propose de le faire de deux manières : je vais faire une brève introduction et après, vous poserez autant de questions que vous le voulez, celles que vous entendez dans votre famille, dans votre voisinage, pour que lon dise clairement ce quest la réalité, ce que doivent être les réponses, ce quil y a dans cetexte, quelles sontlesattitudes quil est bon dadopter face à linquiétude, quelquefois légitime, des Français.

Je voudrais en venir à lessentiel, à lessentiel de lessentiel. Dans ma circonscription, où jorganise des réunions régulières au moins une fois par mois, ouvertes à tout le monde, et où ceux qui viennent me connaissentbien, lautre jour, lun de mes amis a dit : « François, il faut quon te dise quelque chose : il y a quelque chose quon narrive pas à comprendre : 1) pourquoi est-ce quon vote ? et 2) sur quoi est-ce quon vote ? ». Et il ma semblé que cesquestions avaient beaucoup de bon sens. « Pourquoi est-ce quon vote ? » Il voulait dire : « quel est le centre de cette réflexion ? » et « pourquoi un référendum ? ». Le centre de la réflexion est celui-ci : il y a depuis longtemps en France deux thèses : ceux qui croient que, dans le monde comme il est en train de sebâtir, avec limmense puissance américaine et quand je dis « immense puissance », ce nest pas un effet rhétorique avec lasuperpuissance américaine et avec limmense puissance chinoise qui est en train démerger, dans ce monde là, il y a ceux qui croient que nous pouvons tout faire tout seuls et ceux qui croient que,pour sauver nos valeurs, notre manière dêtre, il faut être unis en Europe entre les pays européens.

Je voudrais vous dire que, pour moi, je ne vois pas la crédibilité du scénario de ceux qui disent quil faut être tout seuls. Il marrive naturellement de comprendre les objections des uns et des autres. Je les respecte, mais je narrive pas à comprendre comment on peut soutenir que, dans un monde comme celui-là, la France peut défendre seule son modèle de société et ses valeurs. Lannée dernière, la Chine a utilisé plus de 50 % du ciment produit sur la surface totale de la planète. Même chose pour lacier, et le prix de lacier a monté de 30 %. Il en est de même pour la consommation de pétrole, et le prix du baril de pétrole est entre 50 et 60 dollars. Avant-hier matin, les autorités monétaires internationales ont publié les prévisions de croissance. Ils les ont baissées dun point pour la totalité de la planète, à 4 % ; ils les ont augmentées dun point pour la Chine, à 8,5 %. Et je ne sais pas si vous voyez le rythme de croissance que cela suppose. Je le disais à linstant, la France avec le Marché commun a augmenté sa richesse nationale de 100 % en 15 ans. Le rythme de croissance chinois, cest donc 200 % dans la même période. Vous voyez limmensité 1,3 milliard dhabitants de ce que cela représente. Je ne vois donc pas la crédibilité de ceux qui disent : « il faut que la France se débrouille toute seule dans ce monde là ». Je ny crois pas, je respecte mais je ny crois pas.

Cest la première question. Et il est bon, il est juste que ce soit une question posée au peuple. Cest unesi grande aventure, celle que jai décrite, quil ny a pas de raison quon la fasse à linsu des citoyens. Parce quaprès, ils accusent les dirigeants davoir pris des décisions dans leur dos. Cette fois, en deux étapes, Maastricht en 1992, et la Constitution en2005, on aura fait les choix avec le peuple français, et je trouve que cest très heureux. Voilà pourquoi on vote.

Il y a une deuxième question dans ce référendum : voulez-vous que cette Europe unie soit unedémocratie ? Le mot « démocratie » que lon emploie à tout bout de champ, cela veut dire une chose. Cela veut dire que le peuple commande. Cest du grec « demo-cratie », le peuple commande. Cest exactement, vous le voyez bien, la réponse aux inquiétudes, aux colères, à la rage dun certain nombre de gens qui disent : lEurope, ce nest pas nous, lEurope cest Bruxelles, ce sont des experts, ce sont des diplomates, ce sont des professionnels de tout cela, nous on ny comprend rien et, dailleurs,on nest informés de rien. Cette accusation, juste, sa réponse, elle est dans la Constitution. Le cur de la Constitution, les 60 premiers articles disent ceci : la voix des citoyens, chacun de ceux qui sont là, et leurs voisins, et leurs cousins, et leurs familles, et leurs amis, et leurs concitoyens, dans tous les pays européens, leur voix au double sens, lexpression de leur volonté et leur bulletin de vote, jouera un rôle essentiel dans lavenir de lEurope. Et leur voix va peser sur lavenir de lEurope. Ce sont les citoyens qui auront entre les mains lorientation de lEurope que nous formons ensemble.

Cela, cest la deuxième décision : une démocratie. Quand on fait une démocratie, lacte premier cest de faire une Constitution. On a étudié cela dans les livres dHistoire autrefois. Vous vous souvenez, en 1789, il sest passé en France un certain nombre de choses et la première de ces choses importantes a été le vote, le 26 août 1789, de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen. Si quelques-uns dentre vous ne lont pas relue récemment, je vousencourage à le faire. Cest un texte court et magnifique, qui a étévoté en 5 jours. Et ce texte magnifique et court définit ce quest une Constitution. La Déclaration des droits de lhomme et du citoyen dit ceci : « Toute société où la séparation des pouvoirs nest point définie, et les droits des citoyens reconnus, na point de constitution. » La séparation des pouvoirs pour quon sache qui fait quoi, pour que les pouvoirs ne soient pas accaparés entre les mêmes mains, pour quon ait cet équilibre dont une démocratie a besoin, et les droits des citoyens : en deux membres de phrase, voilà la définition de la Constitution européenne.

Premièrement, la séparation des pouvoirs, les nouveaux pouvoirs, la nouvelle transparence. Au lieu davoir comme hier des dirigeants quon ignore, on aura des dirigeants quon connaîtra. Et ces dirigeants seront élus, le Président du Conseil européen par les gouvernements et le Président de la Commission par les députés européens. Et vous pourrez aller protester sous leurs fenêtres si ça ne va pas. Aujourdhui, si vous voulez aller protester sous les fenêtres des dirigeants européens, vous avez bien du mal à les trouver, parce quon ne lesconnaît pas. Là, vous les connaîtrez.

Deuxièmement, une claire répartition de qui fait quoi, de ce que lEurope fait et de ce que les pays font.

Troisièmement, des droits nouveaux pour les citoyens, droits qui nexistent même pas en France, Monsieur le Garde des Sceaux, droits inédits dans notre pays, qui offrent aux citoyens européens, avec un certain nombre de signatures, de proposer des modifications de loi aux institutions européennes. Comme disent mes amis chasseurs comme certains dentre vous le savent peut-être, la vie ma amené à fréquenter souvent les chasseurs, parce que le chef des chasseurs est mon voisin le plus proche, nous sommes nés dans lemême village ou presque et nous avons grandi ensemble, donc je connais bien la rhétorique des chasseurs, et je la connais dautant mieux que ne chassant pas moi-même, je lai entendue beaucoup seriner à mes oreilles ! comme disent dautres catégories, comme disent les bergers dans les Pyrénées, comme disent aussi les protecteurs de la nature, bref tous ceux qui ne sont pas satisfaits de lEurope : « lEurope décide non seulement sans que nous soyons informés, mais nous navons ensuite plus aucun moyen daction sur les décisions quelle prend ». Et ils le disent quelquefois à juste titre. Ils se plaignent par exemple de ce que les décisions européennes, les directives on dira, si la Constitution est adoptée, les « lois-cadre » européennes fixent les mêmes dates douverture de la chasse des oiseaux migrateurs pour les pays du Nord et pour les pays du Sud. Et ils disent, non sans raison, que les oiseaux migrateurs ne sont pas tout à fait à la même date dans les pays du Nord et dans les pays du Sud !

Ce bon sens là, jusquà maintenant, ne pouvait pas se faire entendre. Désormais, avec la Constitution européenne, les chasseurs, en se regroupant pour signer une proposition, pourront imposer aux institutions européennes de réfléchir à une modification de la loi européenne. Est-ce un progrès ou est-ce un recul ? Pour moi, cest un progrès. Et ainsi, le cur de la Constitution, les règles du jeu qui vont donner du pouvoir à chacun dentre nous, je dis bien à chacun dentre nous, le cur de cette Constitution établit enfin ce que nous voulions depuis des années : une Europe pour tous.

Voilà pour ce premier point. Et voilà les deux questions du référendum : Europe unie, Europe démocratique. Je suis très heureux que lon puisse ainsi voir sous nos yeux se produire ce grand changement, pour quon ne puisse plus, comme cétait le cas jusquà maintenant, découvrir les décisions européennes qui tombent du ciel.

La fameuse directive Bolkestein, nous lavonsvue tomber du ciel. Tout dun coup, les Français lont découverte. Sil ny avait pas ici des hommes de gouvernement, je me risquerais sans doute à dire quà mon avis, les gouvernants lont découverte aussi en même temps que les Français. En tout cas, je puis affirmer sans crainte quil y a des gouvernants qui lont découverte en même temps que les Français, et sans doute pas les moindres. Ce temps est fini. Si nous adoptons la Constitution, ce temps est fini, parce quon aura des délibérations publiques, parce quon aura des ordres du jour, parce quon sera bien obligés de suivre ce qui se passe en Europe, et dabord au niveau du Parlement. Comme ils lont dit tous les deux, au nom de lAssemblée nationale et au nom du Sénat, le Parlement français sera obligé de suivre ces travaux. On naura plus les décisions qui tombent du ciel.

Il ny a que deux questions : voulez-vous lEurope unie ? voulez-vous lEurope démocratique ? Et je ne vois pas comment la famille desprit que nous représentons, ainsi que les autres familles politiques en France peuvent répondre à ces deux questions autre chose que oui. Alors je suis très heureux que nous soyons là ensemble pour les défendre. Jouvre ici une parenthèse, en madressant à Dominique Perben, aux membres du gouvernement et aux dirigeants de lUMP, et sils étaient là, aussi, à dautres, venant dautres horizons. Je sais très bien que nous avons lhabitude en France de rester chacun chez soi. Jesais très bien que cest plus confortable. Moi-même, je suis très heureux avec mes amis. Mais il y a des moments dans la vie où il faut être capable dabandonner le confort de sa chapelle, pour se battre ensemble sur un enjeu plus important que les enjeux partisans. Lenjeu du oui à la Constitution européenne est un enjeu qui dépasse les partis. Et quand on veut créer une dynamique, surtout dans létat actuel de lopinion, il faut sy mettre tous ensemble. Je viens dun pays de rugby : quand on veut que la mêlée avance, on pousse tous dans le même sens. Alors je suis heureux que les gestes se multiplient qui permettent de montrer que dopinions différentes, de partis différents, dinspirations différentes, nombreux sont les Français qui sont capables de travailler ensemble pour que le oui lemporte. Et je voudrais en particulier tordre le cou à une idée que jestime absurde. Je lis dans les journaux quil y aurait un oui de gauche et un oui de droite. Jespère que cette idée va disparaître. Elle est idiote pour deux raisons : la première, cest que sil y a un oui de gauche et un oui de droite, il y en a forcément un des deux qui est trompé. Si le oui est partisan, forcément, certains sont trompés. La deuxième raisonest que, sil y a un oui de gauche et un oui de droite, nous narriverons pas à bâtir les dynamiques qui simposent. Il ny a quun seul oui. Il y a des non très antagonistes entre eux. Ils nhésitent pas à faire campagne ensemble. Que je sache, on voit tous les jours des meetings entre des gens qui ne pensent pas du tout la même chose de lavenir. Cest le moment de sengager pour sauver ce à quoi nous croyons le plus.

Alors je suis heureux de souhaiter la bienvenue dans les rencontres que nous faisons, je suis heureux que se multiplient ces gestes, je suis heureux de dire aux responsables de lUMP, et en particulier au Garde des Sceaux Dominique Perben, la bienvenue dans cette rencontre pour défendre le oui.

Et je voudrais combattre une idée, une seule. Après nous allons discuter, échanger sur tous les aspects de cette Constitution. Je voudrais combattre ce qui est pour moi le seul mensonge de cette campagne électorale. Il y a beaucoup dapproximations, il y a beaucoup de contre-vérités. Il y a un mensonge dans la campagne électorale, cest le mensonge de ceux qui prétendent quils vont voter non parce quils sont européens. Je lai dit tout à lheure, je comprends, je ne partage pas mais je comprends et après tout, je respecte lidée de ceux qui vont voter non parce quils sont anti-européens. Mais le mensonge proféré par ceux qui prétendent quils sont européens et quils vont voter non parce quon pourrait obtenir un meilleur traité, ceux-là, cest un mensonge absolu que les Français ne devraient pas leur permettre de proférer. Renégocier la Constitution. Deux questions : avec qui ? et sur quelles bases ? La première question, cest : avec qui ? Je lance un défi à ceux qui prétendent défendre le non pour obtenir une renégociation. Il y a 24 autres pays dans lUnion européenne. Je les défie de présenter un seul responsable, dun seul des 24 autres pays, dans lesquels il existe pourtant autant de gouvernements, autant de ministres et autant de partis différents, un seul qui nous présente un seul responsable dun seul des 24 autres pays, et quil vienne devant les Français dire : « Mesdames et Messieurs, un non de la France nous aiderait à bâtir une Constitution plus européenne ». Ils nen trouveront aucun. Je prends le pari : aucun responsable européen ne peut venir proférer devant les Français une telle contre vérité. Tout le monde sait que, si cest le non de la France, ceux qui sableront le champagne, ce ne sont pas les pro-européens, ce sont les anti-européens. Toutes les puissances dans le monde, à létranger, et dautres à lintérieur de lEurope, les conservateurs britanniques par exemple, qui ne veulent pas que lEurope se fasse, ceux-là rêvent dun non de la France.

Deuxième question : renégocier sur quelles bases ? Quand on dit : renégocier un traité plus social ou plus européen, je suis désolé de dire que, dans un non éventuel, les voix de Monsieur Le Pen, les voix du Parti communiste, les voix de lextrême-gauche de Monsieur Krivine ou de Madame Laguiller, les voix de Monsieur de Villiers, toutes ces voix qui ont toujours voté non à toutes les échéances européennes, sans aucune exception depuis le début de cette entreprise il y a 55 ans, ces voix-là sont infiniment plus nombreuses que les voix de ceux qui prétendent quil faut renégocier pour plus dEurope. Donc, le mandat qui sexprimerait à partir dun non des Français,ce nest pas un mandat de renégociation pro-européenne, cest un mandat de renégociation anti-européenne.

Et cette imposture avec laquelle on vit, qui est la seule de la campagne électorale, je propose que nous lui fassions le sort quelle mérite. Quil soit clair, au moins, que ceux qui vont voter non sont contre lEurope, et ceux qui vont voter oui sont pour lEurope. Je sais bien que lEurope est devenue si forte que les anti-européens sont obligés de revêtir le masque des pro-européens. Jai presque la nostalgie de 1992. En 1992, au moment de Maastricht, cétait clair, il y avait les anti qui votaient non et les pro qui votaient oui. Cette fois-ci, les anti sont obligés de mettre le masque des pro-européens. Mais il y a des moments où il est bon de faire tomber les masques pour que les électeurs, les citoyens voient clairement qui est qui. Nous, nous sommes des pro-européens, nous le sommes en 2005, nous létions en 1992, nous lavons été à toutes les étapes de la construction européenne. Nous votons oui et cest la cohérence et la logique qui font que nous sommes rassemblés ce soir.

Je veux simplement maintenant dire que la campagne électorale que nous menons est une campagne de clarté, de transparence et de réponses aux questions. Exprimez, sil vous plaît, toutes les interrogations qui sont les vôtres, celles que vous entendez dans votre entourage et autour de vous, et peut-être à loccasion dune de ces questions, mes amis qui sont à la tribune ainsi que Dominique Perben qui est au 1er rang, pourront-ils saisir loccasion dune réponse.

Je vous remercie.

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