Les deux grands partis allemands s’accordent pour former une grande coalition sous la direction d’Angela Merkel
Les directions des deux partis ont respectivement donné leur feu vert aujourd’hui à l’ouverture de négociations de coalition. Le SPD entend contribuer à la formation d’une grande coalition et à un gouvernement stable avec l’Union chrétienne-démocrate, selon son président, Franz Müntefering. Mme Merkel a fait part de sa volonté de former une “coalition des possibles”, qui ait le souci de créer des emplois. Les négociations de coalition qui vont s’engager lundi, selon Mme Merkel, devraient prendre du temps. Les deux partis espèrent aboutir d’ici au 12 novembre. Chacun sera représenté par quinze de ses membres lors des négociations.
Selon la Loi fondamentale (art. 65), “le chancelier détermine les lignes directrices de la politique et en porte la responsabilité”. Il ou elle est le ou la seul(e) à être élu(e) à son poste par le Bundestag, et il ou elle ne peut être renversé(e) que par lui. Les ministres fédéraux sont tenus, dans l’exercice de cette fonction, au respect de l’orientation fixée par le chancelier ou la chancelière. Les deux partis qui vont désormais gouverner l’Allemagne ensemble l’ont déjà fait une fois au niveau fédéral, entre 1966 et 1969, sous la direction du chancelier chrétien-démocrate Kurt-Georg Kiesinger, et à de nombreuses reprises au niveau régional.
La composition du futur gouvernement fédéral est encore inconnue. La CDU-CSU obtiendrait six portefeuilles ministériels et le SPD huit, selon les informations qui ont filtré tout au long de la journée. Le poste de vice-chancelier, qui devrait revenir au SPD, n’a pas encore été attribué. A la CDU-CSU pourraient revenir les ministères de l’Economie et de la Technologie, de l’Intérieur, de la Défense, de la Famille, des personnes âgées, des femmes et de la Jeunesse, de l’Education et de la Recherche et celui de la Protection des consommateurs, de l’alimentation et de l’agriculture; au SPD ceux des Affaires étrangères, des Finances, de la Justice, de la Coopération économique et du développement, du Travail et de la Protection sociale, de la Santé, des Transports, de la construction et du logement, ainsi que celui de l’Environnement, de la protection de la nature et de la sécurité nucléaire. Au sein de la CDU-CSU, le ministre-président de Bavière, Edmund Stoiber, est pressenti pour succéder à Wolfgang Clement dans un ministère de l’Economie qui serait à nouveau dissocié de celui du Travail. Au SPD, le président du parti, Franz Müntefering, n’a pas exclu d’entrer personnellement au gouvernement. Il ne s’est pas prononcé sur l’avenir du chancelier Gerhard Schröder qui participera néanmoins selon lui aux négociations de coalition.
Angela Merkel, portrait de la première chancelière allemande
Angela Merkel devient la première femme de l’histoire à accéder au poste de chancelière allemande. A la suite des élections législatives du 18 septembre dernier et de négociations avec le parti social-démocrate (SPD), elle s’apprête à prendre la tête d’un gouvernement de “grande coalition”, composé de ministres issus des deux grandes formations politiques allemandes, la CDU-CSU et le SPD. Physicienne arrivée en politique sur le tard, dans la foulée de l’unification allemande, Angela Merkel a connu une ascension politique rapide dans les années 1990, déjà couronnée par l’accession à la présidence de la CDU, et par la présidence du groupe parlementaire CDU. Elle devient, en outre, la première personnalité de l’ancienne Allemagne de l’est à prendre la tête d’un gouvernement fédéral.
Une femme d’Allemagne de l’est
Protestante, divorcée, remariée, et sans enfant, Angela Merkel tranche avec le profil plutôt masculin, conservateur et catholique du parti dont elle tient les rênes depuis cinq ans. Elle est née le 17 juillet 1954, à Hambourg. Fille d’un pasteur protestant, elle grandit à Templin, dans le Brandebourg. Elle passe son baccalauréat en 1973, puis s’engage dans la voie scientifique, bien qu’elle soit également douée pour les langues. Elle sort de l’université de Leipzig en 1978 avec un diplôme de physicienne en poche. Elle travaille ensuite à Berlin, au sein de l’Institut pour la physique chimique de l’Académie des sciences, où elle est la seule femme de son équipe. Elle obtient un doctorat de physique (Dr. rer.nat.) en 1986, et devient collaboratrice scientifique. Elle occupe, par ailleurs, des postes régionaux au sein de la Jeunesse allemande libre (Freie deutsche Jugend, FDJ), l’organisation officielle pour la jeunesse de RDA, et apprend à connaître l’appareil d’Etat.
Ascension rapide en politique dans le sillageHelmut Kohl
Ce n’est qu’en 1989, année de la ” révolution pacifique ” en RDA, que la vie d’Angela Merkel bascule vers la politique. Engagée au sein du mouvement ” Demokratischer Aufbruch ” (renouveau démocratique), mouvement d’opposition politique au régime de la RDA, elle devient rapidement porte-parole du mouvement, députée de la Volkskammer (parlement de la RDA), puis porte-parole adjointe du dernier gouvernement de la RDA, celui de Lothar de Maizières. Après l’unification, en 1990, elle adhère à la CDU, et obtient un mandat direct lors d’élections législatives anticipées, faisant ainsi son entrée au Bundestag. Mais ce n’est qu’un début. Elle est très vite repérée par Helmut Kohl. Le chancelier, dont elle devient la protégée (on la surnommera longtemps ” Kohls Mädchen “), lui propose d’entrer au gouvernement en 1991, en tant que ministre des Femmes et de la Jeunesse.
Angela Merkel occupera successivement deux portefeuilles ministériels jusqu’à l’arrivée de la coalition rouge-verte, en 1998. Après les Femmes et la jeunesse, elle s’occupera, à partir de novembre 1994, de l’Environnement, de la protection de la nature et de la sécurité des réacteurs. A la tête de son premier ministère, on lui doit notamment une loi qui garantit à chaque enfant le droit à une place au jardin d’enfant à partir de trois ans, une loi sur l’émancipation des sexes, ou encore la réforme du droit à l’avortement. A la tête du second, elle préparera un sommet des Nations-Unies sur le climat qui accouchera du protocole de Berlin sur la réduction de l’effet de serre, enclenchera la réduction des émissions de gaz carbonique, mais suscitera aussi des controverses croissantes. En 1998, l’opposition ira même jusqu’à réclamer sa démission après une crise sur le transport des déchets radioactifs vers la France et la Grande-Bretagne.
1999/ 2000 : l’émancipation
Le renversement de coalition lors des élections législatives de 1998 mettra un terme au seize années de pouvoir d’Helmut Kohl, renvoyant les chrétiens-démocrates dans l’opposition. Mais l’événement-charnière, pour Angela Merkel, ce sera surtout le ” scandale des caisses noires ” qui touchera le parti à partir de novembre 1999. Alors même qu’un renouvellement des générations est à l’ordre du jour au sein de la CDU, l’ancienne protégée sera la première à prendre ses distances vis-à-vis de l’ancien chancelier, qui se refuse à fournir les informations nécessaires à l’enquête, telles que la liste des donateurs privés. Angela Merkel demande alors à son parti de se détacher d’Helmut Kohl pour renouveler le parti. La crise s’aggrave lorsque l’implication de Wolfgang Schäuble, président de la CDU et ancien ” poids lourd ” des gouvernements Kohl, dans le scandale est révélée. Sa démission entraîne une consultation des adhérents. Déjà présidente de la CDU régionale de Mecklembourg-Poméranie occidentale depuis 1993 et, depuis peu, secrétaire générale de la CDU, Angela Merkel est élue présidente de la CDU le 10 avril 2000.
Depuis, son premier souci a été de stabiliser le parti. Lors des élections législatives de 2002, elle doit s’effacer devant le ministre-président de Bavière, Edmund Stoiber, plus populaire qu’elle, qui sera le candidat commun de la CDU/CSU face à Gerhard Schröder. Mais la défaite d’Edmund Stoiber renforce finalement la position d’Angela Merkel au sein du parti. Au lendemain des élections, elle se substitue à Friedrich Merz à la tête du groupe parlementaire de la CDU au Bundestag et, malgré une vive concurrence entre les ” quinquas “, s’impose de manière croissante comme la véritable chef de file de l’opposition. Désignée en mai comme candidate de la CDU-CSU en vues des élections législatives anticipées, elle obtient avec son parti 35,2 % des voix, et 226 sièges au Bundestag. Elle dirigera la deuxième “grande coalition” de l’histoire allemande, après le précédent de 1966-69 sous la direction de Kurt-Georg Kiesinger (CDU).
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