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Ligne de crédit n° 337

02 Juin 2005

En public, oublie le un peu

Dans la rue de la plus petite bourgade ou sur les Champs-Élysées, se pressent désormais ceux qui lèvent le coude. Indifférents à ce qui se passe autour d’eux. Ils sont présents dans tous les lieux publics, ces manchots. Telle une espèce en plein développement, ces nouveaux envahisseurs de trottoirs sont prêts à vous enfoncer leur coude dans la figure lorsque vous les croisez

par Gérard GORRIAS, Directeur de la publication

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Certains laissent brinquebaler sur leur veste un fil qui confirme ainsi qu’ils appartiennent à la race de ceux qui ont, un fil à la patte  ! En réalité, il descend de l’oreille en tire-bouchon, dégouline le long du buste et se perd parfois dans une poche. Très souvent la créature ainsi équipée marche de travers puisqu’elle se tord le cou, pour parler à une sorte de petite souris grise, un micro fixé le long du fil La plupart de ces piétons iconoclastes avancent les yeux dans le vide, à la recherche de la perception que pourraient connaître leur interlocuteur Bien sûr, il y a les plus véloces de la discipline. Ceux là veulent absolument – tout en marchant – lire un texte ou envoyer un message, tandis que d’autres découvrant subitement que l’Homme dispose de deux oreilles, bouchent celle qui reste libre avec l’écouteur de leur ipod !

Le côté positif de la chose se fredonne depuis longtemps maintenant sur un air connu : Le marché des téléphones portables soutient le développement des industries nouvelles. A ce sujet, certains utilisateurs se devraient d’éviter toutes remarques désobligeantes envers cette dévastatrice Mondialisation qui leur permet tout de même d’accéder à ces objets si convoités

L’aspect critiquable trouve ses racines ailleurs Qui – au restaurant – n’a pas été gêné par ce voisin malotru, installé à la table voisine ? Sans préavis, ce forcené de la parlote, faisant fi de ceux qui l’entourent, sort son petit appareil magique et engage une conversation aussi longue que niaise pour l’entourage immédiat A partir du moment où sa décision est prise, ce téléphoniste de l’urgence – seul ou en groupe – se moque complètement de ceux qui sont à sa portée. Il avait un besoin pressant et, comme poussé par une pulsion indicible, il appuie sur la touche pour parler à quelqu’un qu’il connaît ou qu’il dérange Il va sans dire que son appel ne pouvait pas attendre un autre moment ou un autre endroit. Tout cela bien entendu sans évoquer le concert de sonneries qui partout et tout le temps vous agresse au quotidien. La sonnerie déclenchée par votre voisin participe peut-être à un récital qui en importune d’autres ailleursEntre temps le haut parleur d’à coté – car bien souvent il crie pour qu’on l’entende mieux – donne avec force détails le prix de l’appartement qu’il a vendu, organise ses rendez vous, etc

Pour éviter le pire, des mesures sont prises ici ou là. Dans les avions, les salles de spectacles, les hôpitaux Il est ainsi clairement imposé qu’il y a lieu d’être attentif à l’environnement technique, à la nécessité d’honorer le spectacle, de ne pas nuire à ses voisins ou aux malades Et si, tout un chacun prenait la décision de respecter – spontanément et en tous lieux – ces règles de bon sens ? Cela pourrait éviter qu’un Législateur désemparé impose un jour ses exigences à des fabricants dépités qui devront inscrire – par exemple – sur l’appareil, cette recommandation dérisoire : « L’abus de téléphone, est nuisible à votre environnement direct ».   Cela ne serait bien sûr que la première bordée de sanctions qui viseraient à priver purement et simplement le contrevenant – avec ou sans sursis – de l’usage du téléphone ! En ce domaine comme en bien d’autres, entendez les au loin, ce sont les mêmes qui méprisent aujourd’hui toutes règles de civisme qui s’opposeront demain à la mise en place des « nouvelles normes obligatoires pour téléphoner en public  »


Gérard Gorrias
Maître en Droit
Directeur du développement de France Créances
Ancien Président de lANCR
Co-auteur du « Lexique Juridique pour lEntreprise »

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