Selon les thèses dun reportage diffusé sur ARTE le 29 octobre, Homo Sapiens serait né dune « mutation interne programmée de lespèce » « obéissant à une évolution inscrite dans nos gènes et transmise par l’ADN » . Plus fort : « Une nouvelle mutation d’Homo sapiens, () serait en préparation, à une échelle de temps encore inconnue. »
Nous nageons bien sûr en pleine pseudoscience : aucun mécanisme n’est connu ni même imaginable qui permette à l’ADN de « programmer par avance » des mutations qui interviendront dans le futur. Le processus bien identifié est le suivant : des mutations interviennent au hasard ; certaines « marchent », dautres pas ; puis enfin la sélection naturelle « fait le tri » entre celles qui « marchent » : il ny a aucune place pour une « pré-sélection » de ce qui n’existe pas encore
La paléontologue Anne Dambricourt-Malassé, secrétaire générale de la Fondation Teilhard de Chardin, au centre de la thèse défendue dans ce documentaire, a défendu ses vues métaphysiques dans un entretien accordé à Nouvelles Clés : « lévolution du vivant obéit à une logique dorganisation supérieure et non au seul pur hasard : thèse paléontologique qui est fondée scientifiquement et qui rejoint les idées visionnaires de Teilhard de Chardin ».
Elle rencontre dans son entreprise le soutien de lUniversité Interdisciplinaire de Paris et de son secrétaire général Jean Staune pour lequel ces thèses argumentent un «processus insensible aux mutations aléatoires, aux changements du climat et de la végétation », et entrent ainsi en contradiction avec « la position de ceux qui affirment que notre existence ne saurait avoir la moindre signification ».
Noublions pas que lUniversité Interdisciplinaire de Paris nest pas, contrairement à ce que son nom semble indiquer, une université. Il sagit dune organisation financée par la fondation Templeton, fondation cherchant « à développer la recherche et lenseignement interdisciplinaires sur les rapports entre sciences de la nature et religions ».
LAssociation Française pour lInformation Scientifique, par son vice-président, a alerté la chaîne publique du risque de confusion pour des téléspectateurs mal informés de la diffusion dun tel documentaire sans mise en garde préalable de la présence de « passagers clandestins » . Le 26 octobre un communiqué a été adressé à la Presse afin dalerter sur les risques de la propagation en plein champ télévisuel de Science Spirituellement Modifiée sans étiquetage signalétique à lattention du public.
Par un communiqué quelle nous a adressé le 26 octobre, la chaîne ARTE nous a fait part que « dans le souci daméliorer l’information du public et dans une volonté d’objectivité scientifique » elle a complété sa programmation « en soumettant à un débat l’hypothèse sur l’évolution de l’homme présentée dans le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de lhomme ?. »
Nous ne pouvons que féliciter la chaîne de service public ARTE pour sa réactivité et le respect du téléspectateur dont elle témoigne en réalisant ce complément de programme, à limage de la qualité de la diffusion auquel elle sattache conformément à son « Vivons curieux ! Plus de découverte, Plus de culture, Plus d’information, de décryptage ».
Nous nous devons, de notre côté, de renouveler notre mise en garde des téléspectateurs sur le fait que le documentaire HOMO SAPIENS, une nouvelle histoire de lhomme ? caractérise une tentative dintrusion spiritualiste dans les sciences, défendant des thèses qui ne sont pas sans rappeler celles des créationnistes et des avocats de lIntelligent Design. Il convient donc de garder son esprit critique en éveil durant la diffusion de ce documentaire, et de ne pas zapper avant le débriefing de décryptage qui lui succédera.
association française pour linformation scientifique
(communiqué transmis le 27 octobre 2005 par son vice-président, Michel Naud)
Ce débat animé par Michel Alberganti , journaliste au Monde réunira :
Pierre-Henri Gouyon, spécialiste de la théorie de lévolution, est directeur du laboratoire d'Ecologie, Systématique et Evolution à Paris-XI ORSAY, chargé de cours à l'INRA et maître de conférences à l'École Polytechnique
Michel Morange, est professeur de biologie à l’université Paris-VI et à l’École Normale Supérieure. Il enseigne l’histoire des sciences à l’université Paris-VII et dirige le Centre Cavaillès d’histoire et de philosophie des sciences de l’ENS.
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