André-Jean Locussol-Mascardi a séjourné deux fois en Tchécoslovaquie durant lété 1969, moins dun an après lentrée des troupes du pacte de Varsovie à Prague. Invité par lorganisme officiel de la jeunesse étudiante tchécoslovaque, il a sillonné durant des semaines la Moravie et la Bohême et a été le témoin privilégié de la répression violente du régime autoritaire de Gustav Husak contre les manifestations des 19, 20 et 21 août 1969 à Prague – contre loccupation du pays et les privations de liberté.
Il évoque dans son ouvrage, non seulement ses séjours, ces évènements mais aussi ses rencontres surprenantes avec larmée soviétique, des capitaines de larmée populaire dAllemagne de lEst, les syndicats, les membres du parti communiste, les étudiants et les ouvriers tchèques et dautres pays socialistes. Une histoire qui dépeint des paysages luxuriants et merveilleux et décrit une jeunesse partagée entre la résignation, la crainte, la haine et la révolte contre le « grand frère » soviétique.
Extraits : ” Le vieux Pragois regardait à travers les baies vitrées qui enveloppaient dun regard la Vltava, Strahov, le pont Charles et le Château de Prague. Les chenilles des chars martelaient la chaussée du pont du 1er mai avec un bruit assourdissant faisant vibrer les vitres du Slavia. Nous regardions incrédules ce ballet de chars qui narrêtaient pas de défiler sous nos yeux depuis une heure. Jen avais compté cent lorsque je maperçus que le vieil homme à mes côtés pleurait. Nous restâmes sans dire un mot – un instant qui me parut une éternité – alors que des larmes perlaient sur ses joues flétries par tant dinfamie. Je lui dis que sil ne voyait peut-être pas la libération de son pays, ses enfants la verraient très certainement un jour () Alors que nous sortions de la ville et que nous venions datteindre la « route du système européen » (qui reliait lURSS à la ville dOlomouc, première ville de garnison de larmée soviétique en 1969), nous eûmes la frayeur de notre vie.
Devant nous, se dressait un militaire russe, kalachnikov au poing. La route était légèrement éclairée par les phares des camions militaires et des dizaines de véhicules défilaient sur plusieurs centaines de mètres devant nos yeux embués par les vapeurs dalcool. Cétait un mongol denviron seize ans qui était posté au carrefour pour assurer la sécurité du convoi – au cas où des forces antisocialistes soutenues par lOccident, tendraient une embuscade à larmée du Pacte de Varsovie. Nullement impressionnés par le jeune Asiatique qui montait la garde et se montrait de plus en plus menaçant, compte tenu de notre état éthylique avancé, nous continuâmes notre chemin dans sa direction. Cest alors que tout faillit basculer ! Dérouté par notre hardiesse, le jeune homme paniqua et brusquement nous mit en joue en posant le doigt sur la gâchette de son arme. Heureusement, Joseph (futur président de cour d’assisses ! ), un compagnon plus lucide et moins grisé que les autres, nous cria de ne plus faire un geste et avec un signe amical de la main fit comprendre au soldat que nous allions rebrousser chemin. Ce que nous fîmes calmement, sans précipitation, pour éviter de nous faire tirer dans le dos ()
Cette mésaventure nous permis de comprendre que larmée soviétique était composée de minorités : Mongols, Tartares, Ouzbeks, Caucasiens et autres soldats originaires dAsie centrale, qui ne parlaient que leur dialecte mais étaient dirigés par des officiers russes polyglottes. En août 1968, il ny eut donc pas de dialogue possible, entre des Tchèques – qui parlaient pourtant couramment le russe – et cette « légion étrangère » insolite. Ceci expliquait pourquoi les soldats perchés sur leurs chars étaient restés sourds aux interpellations et aux opérations de déstabilisation de la population pragoise qui les traitait de « prase ruský (cochon de russe) », le 21 août 1968 !
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Locussol André
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