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Quelles forces déploie une cellule pour se déplacer ?

22 Fév 2005

Mécanique cellulaire

Dans leur milieu naturel, les cellules interagissent avec certaines protéines pour adhérer et se mouvoir. Elles se déplacent pareillement sur un substrat artificiel fait de micro piliers. Ce tapis de « fakir » miniature a été conçu par des chercheurs du CNRS, de l’université Paris 7 et de l’Institut Curie, pour que chacun de ces piliers déformables qui le composent joue le rôle d’un capteur de forces. La rencontre fructueuse entre physiciens et biologistes a permis de mesurer les infimes forces en jeu lors du déplacement d’une cellule. Leurs résultats sont publiés dans la revue PNAS.

L’adhésion des cellules entre elles ou à un substrat spécifique est essentielle à l’organisation en tissus et en organes fonctionnels. De même, le mouvement des cellules est déterminant au cours du développement ou lors d’un dysfonctionnement pathologique. Les cellules modifient alors leur forme et migrent en remodelant leur architecture interne. Dans le cas du cancer de l’épithéliome, les cellules de l’épithélium qui adhéraient parfaitement les unes aux autres, se dissocient puis migrent anormalement et anarchiquement. Leur morphologie s’en trouve radicalement changée. Pour comprendre les interactions de ces cellules avec leur milieu, les chercheurs ont commencé par caractériser les forces mécaniques mises en jeu.

Lors de leur mouvement, les cellules exercent des forces de traction sur la surface. Pour évaluer ces forces (en fonction du temps et de la position), les chercheurs ont élaboré un substrat fait d’un réseau de minuscules piliers de la taille d’un micron[1], régulièrement espacés mais suffisamment dense pour être ressenti par la cellule comme une surface continue. La déformation de ces micro piliers en élastomère est directement liée à la force locale exercée par la cellule sur la surface. Ils jouent le rôle de capteurs de force.

Les forces mesurées sont de l’ordre d’un nano Newton (nN[2]). Autrement dit, si cette force nous est imperceptible, elle correspond néanmoins au poids d’une goutte d’eau d’une taille d’approximativement 60 microns, c’est-à-dire à celui de plusieurs cellules[3]. L’étape suivante pour les chercheurs sera de caractériser les processus intracellulaires responsables de l’établissement de ces forces : comment corréler leurs valeurs à l’action de certaines protéines ?

La « cellule fakir », vue en microscopie électronique, se déplace sur un tapis de minuscules piliers. Chaque pilier de cette surface artificiellement créée par les chercheurs joue le rôle de capteur de forces mises en jeu lors du déplacement de la cellule. La distance entre les piliers est de 1 µm, de façon à constituer une surface suffisamment dense.
© B. Ladoux
 
Vidéo : Dissociation des cellules épithéliales.
Elles finissent par s’isoler les unes des autres en migrant de manière anarchique sur la surface artificielle de piliers. Les vitesses de migration des cellules sont de l’ordre du micron/minute.

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[1] 1 micron = 10-6 m

[2] 1 nN = 10-9 N

[3] Une cellule mesure entre 10 et 20 microns de diamètre.

Références :
“Force Mapping in Epithelial Cell Migration”, Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), 15 février 2005.
Par Olivia du Roure (1), Alexandre Saez (1), Axel Buguin (2), Robert H. Austin (3), Philippe Chavrier (4), Pascal Siberzan (2) et Benoît Ladoux (1).

(1) Laboratoire matière et systèmes complexes (CNRS, université Paris7)
(2) Unité physico-chimie Curie (CNRS, Institut Curie)
(3) Department of Physics, Princeton University, Princeton
(4) Compartimentation et Dynamique Cellulaires (CNRS, Institut Curie)

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