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Chambre des notaires de Paris : Eléments d’analyse du marché immobilier

16 Avr 2005

Ce bilan du marché immobilier en 2004 ne manquera pas une fois de plus dalimenter des spéculations hasardeuses sur léclatement dune bulle, qui nen est pas une. Le contexte économique, financier et sociologique dans lequel évolue le marché immobilier est très différent de celui de 1991.

Il faut, en effet, rappeler que :

  • Le niveau actuel des prix est d’abord l’expression d’un déséquilibre croissant entre une offre insuffisante et une demande vigoureuse de logements et non le fruit d’une spéculation qui serait entretenue par une clientèle particulière d’acheteurs, laquelle est, faut-il une nouvelle fois le souligner aujourd’hui, essentiellement constituée d’utilisateurs.

Si, en France, on n’a jamais, depuis 20 ans, autant construit que ces deux dernières années, en Ile-de-France on n’a également jamais, et sur une plus longue période encore, aussi peu construit de logements neufs qu’en 2003 (30 521 mises en chantier) et 2004 (34 112), soit 10 000 de moins qu’il y a dix ans (45 222 mises en chantier en 1995). La part de l’Ile-de- France dans la production française de logements neufs, étant tombée de 18,4% en 1990, à 9,8% en 2004 (1).

Autrement dit, les quelque 10 000 logements neufs manquants font chaque année cruellement défaut pour satisfaire une population francilienne qui, avec 11 264 000 habitants au 1er janvier 2004, s’est enrichie de 313 000 habitants en 5 ans, à un rythme deux fois supérieur (+0,58% en variation relative annuelle) à celui de la période 1990-1999 (+0,31%) (2).

Plus significative encore est l’augmentation du nombre des ménages qui, du fait du vieillissement de la population et de la hausse des phénomènes de décohabitation, progressait déjà en France trois fois plus vite que le nombre d’habitants entre 1975 et 1999 (3). Les dernières statistiques montrent que cette tendance s’est, depuis quatre ans, poursuivie et même accentuée en Ile-de-France, au regard de la croissance du nombre de familles monoparentales et de divorces (un divorce sur deux mariages en Ile-de-France).

A cette tendance, sajoute une recherche permanente damélioration de la qualité des logements (localisation, superficie, nombre de pièces, équipements).

  • Les prix des logements, exprimés en euros constants, n’ont que très récemment retrouvé les valeurs de 1991, date à laquelle le marché immobilier francilien, principalement à Paris et en Petite Couronne, est entré dans le marasme, duquel il nest sorti qu’en 1998.
    La forte augmentation des valeurs immobilières, intervenue à compter de 1998 sur l’ensemble du territoire national, était justifiée dans une première période par un effet de rattrapage des prix.
  • Le prix du m2 ne représente qu’une fraction, certes importante mais non exclusive, du coût d’acquisition d’un logement, dans lequel doivent être également inclus les droits de mutation, qui ont baissé de près de 40% depuis 1994, et le coût du crédit, qui a chuté de près de 7 points (4% en moyenne 2005, contre 11% en 1991) (4).

Ces mouvements à la baisse (droits de mutation et coût du crédit) sont venus très opportunément et mécaniquement augmenter le pouvoir d’achat logement qui, par ailleurs, a bénéficié d’une progression des revenus durant la même période. A telle enseigne qu’un ménage moyen consacrant un tiers de son revenu personnel au remboursement d’un emprunt contracté sur 15 ans, pour lacquisition dun logement à Paris, sans apport personnel, disposait, en 2003, dune capacité d’achat proche du double de celle qui était la sienne en 1991 (5).

Par ailleurs, la mise en oeuvre de dispositifs fiscaux en faveur de limmobilier neuf (Robien, Besson) a incité un nombre élevé dinvestisseursparticuliers à se diriger vers limmobilier, même avec des conditions de rendement plus incertaines.

  • Le niveau d’endettement des ménages français (60% du revenu disponible brut), comparé aux autres pays européens reste, malgré un niveau historiquement élevé, très modéré et le plus bas avec l’Italie (38%, contre près de 200% aux Pays-Bas, plus de 190% au Danemark, 120% au Royaume-Uni, 84% en Espagne). De même, et selon une étude récente, la France est le seul grand pays où l’encours d’endettement et sa progression sur a période récente sont restés contenus (6).

Par ailleurs, et compte tenu de la forte baisse des taux d’intérêt de ces dernières années, le ratio “intérêts versés/revenu disponible brut” des ménages français s’est stabilisé à 3,2% en 2003, alors qu’il était proche de 6% en 1991 (7).

Enfin, l’allongement de la durée des emprunts immobiliers, dont une étude réalisée sur les prêts principaux dans les opérations avec PTZ (prêts à taux zéro) montre que la part des crédits accordés pour une durée supérieure à 20 ans est passée de 6% à 26% entre 1999 et 2001, a permis d’améliorer considérablement la solvabilité des accédants à la propriété.

Cet allongement de la durée de remboursement s’est révélée d’autant plus efficace qu’il est intervenu au moment où les taux d’intérêt chutaient, sachant que lorsque la durée du prêt passe de 20 à 30 ans, la mensualité baisse de 9% si le taux du crédit est de 10% et de 19% quand celui-ci est à 5% (8).

Il faut savoir également qu’à taux constant l’allongement de 15 à 20 ans de la durée d’un prêt durée maximale pour encore la grande majorité des prêts consentis augmente de 15% la capacité d’endettement des ménages.

  • Enfin, le secteur de l’immobilier est loin de connaître l’environnement financier qui prévalait au plus fort des effets de la bulle spéculative de la précédente décennie. En atteste le niveau d’endettement bancaire des promoteurs, lequel après avoir fortement décru depuis le pic historique de 1993 (22,6 milliards d’euros d’encours) s’est stabilisé depuis 1997 pour ne plus représenter que 7,4 milliards d’euros en 2003 (9). Faut-il préciser à l’attention de ceux qui douteraient encore de la solidité financière de ce secteur qu’il s’agit là d’euros courants !

L’ensemble de ces considérations, que l’on pourrait enrichir par des comparaisons internationales établies, en la matière, par la Banque Centrale Européenne, qui place la France au nombre des pays où la menace dune crise immobilière nest pas inscrite à lordre du jour, indiquent que les structures actuelles du marché immobilier n’ont que peu de rapport avec
celles de 1991.

Certes les prix ne monteront pas au ciel. Et le marché ne dit rien d’autre en procédant aux ajustements observés en fin d’année 2004. Démontre-t-il tout au plus, s’il en était besoin, qu’il a gagné depuis 15 ans en maturité et que les lois le régissant fonctionnent et remplissent leur office.

Au bout du compte, les perspectives à moyen terme du marché immobilier en Ile-de-France et, notamment, la poursuite de sa vitalité en 2005 dépendent plus que jamais de lévolution de trois variables, qui conditionnent tout à la fois la capacité dendettement des ménages et
lélargissement de loffre :

  • d’abord, l’ampleur et l’échéance du renchérissement du loyer de largent, dont tout laisse à penser que le niveau des taux a aujourdhui atteint un plancher ;
  • ensuite, la relance de la construction ou de la rénovation en Ile-de-France, préalable à l’indispensable restauration de l’offre, à la détente des prix et à la satisfaction de la demande, qui est subordonnée à l’empressement des maires à manifester leur volonté de construire et donc de produire des terrains à bâtir et, plus généralement, à la capacité des pouvoirs publics à lancer un vaste programme de logements locatifs intermédiaires ;
  • enfin, le réalisme dont feront preuve les propriétaires dans la fixation des prix de vente des logements anciens, qui devront réduire leurs prétentions financières s’ils entendent vendre leurs biens et conclure rapidement. Sachant qu’un logement de qualité, bien situé et proposé au juste prix trouve rapidement preneur.

Autant d’éléments de nature à conditionner l’activité du marché immobilier, dont il faut espérer qu’elle connaîtra la même dynamique en 2005, eu égard à l’importance de la demande en Ile-de-France, en s’inscrivant dans un contexte de modération de l’évolution des prix.

(1) Statistiques Sitadel – DAEI.
(2) Source INSEE Insee Première n°1000 – janvier 2005
(3,4,5,6,7,8) Source Banque de France Bulletin n°129 septembre 2004
(9) Source ANIL Anil Habitat Actualité – étude mai 2003

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