Date
Catégories
Auteurs

CNRS – Le projet Oeil

31 Mar 2005

CNRS – Le projet Oeil : l’astronomie entre à l’hôpital

Les patients atteints d’une maladie de la rétine pourront bientôt bénéficier d’un nouvel imageur tout droit inspiré d’une technique issue de l’astronomie : l’optique adaptative. Cet appareil est en cours de développement sous la direction de chercheurs du LESIA (Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique, CNRS, Observatoire de Paris, Universités de Paris 6 et 7) (1). Il permet déjà d’imager la rétine et de visualiser les cellules photoréceptrices avec une résolution inférieure à 3 µm. L’objectif est la détection précoce des pathologies rétiniennes comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou les glaucomes.

Pour les astronomes, l’observation des objets célestes avec une haute résolution angulaire est délicate, car la turbulence atmosphérique dégrade considérablement la qualité des images obtenues au sol. Pour corriger leurs images, ils ont développé une méthode d’analyse et de correction en temps réel : l’optique adaptative. Un système d’analyse des fronts d’onde évalue plusieurs centaines de fois par seconde les distorsions des images causées par la turbulence atmosphérique, et les corrige en agissant aussitôt sur un miroir déformable qui contrecarre ces distorsions en produisant les déformations en sens opposé.

En ophtalmologie, la visualisation précise des cellules rétiniennes est également rendue très délicate à cause des inhomogénéités du film lacrymal, de la cornée, du cristallin et de l’humeur vitrée qui sont autant de sources de distorsion, auxquelles il faut ajouter les effets des mouvements rapides de l’oeil.

Les astronomes du LESIA ont eu l’idée, avec leurs collègues physiciens et médecins d’appliquer les techniques d’optique adaptative à l’examen du fond de l’oeil, pour réaliser un système de tomographie à haute résolution latérale et axiale permettant l’observation in vivo de la rétine à l’échelle cellulaire. Un tel système s’appuie sur les capacités de la Tomographie Optique Cohérente plein champ (2), et sur celles de restauration des fronts d’onde de l’optique adaptative.

Pour mesurer les fronts d’onde ré-émis par un oeil, les astronomes créent d’abord in situ une véritable étoile artificielle en faisant d’un point source une image sur la rétine dans le proche infrarouge. Les déformations des fronts d’onde ré-émis sont en permanence mesurées par l’analyseur de surface d’onde et corrigées par le miroir déformable. Un flash lumineux en lumière visible illumine brièvement la rétine. L’image formée, corrigée par le miroir déformable, dispose alors d’une résolution maximale.

Les chercheurs peuvent ainsi observer des détails dont la taille ne dépasse pas 3 µm, contre quelques dizaines pour les appareils classiques. Sur leurs clichés, ils distinguent parfaitement les cônes, cellules photoréceptrices qui tapissent le centre de la rétine. Ce sont elles qui sont touchées dans le cas d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge ou d’une rétinopathie diabétique, maladies pouvant conduire à la cécité (3). Ainsi, le nouvel instrument sera l’outil idéal pour détecter plus vite ces pathologies, suivre leur évolution et les effets d’un traitement, voire guider une intervention chirurgicale.

Un protocole d’essais cliniques a déjà débuté au Centre d’investigation clinique de l’Hôpital des Quinze-Vingts à Paris sur quelque 240 patients volontaires, qui succèdent ainsi aux chercheurs qui ont servi de cobayes pour réaliser les premières images.

Mais l’instrument n’en est encore qu’à ses débuts. Pour le moment, on ne peut obtenir d’images bien corrigées chez les personnes trop myopes ou astigmates. Les aberrations oculaires sont alors trop importantes pour le miroir déformable, pièce maîtresse de l’optique adaptative. Un nouveau miroir devrait bientôt y remédier. Parallèlement, les chercheurs travaillent en laboratoire au développement de la fonction tomographique dont bénéficiera la prochaine génération d’appareils, sur la base d’un procédé imaginé à l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle. Quand les deux parties seront réunies, il sera possible de choisir avec une précision de quelques microns la couche de rétine observée, et affiner encore davantage le diagnostic médical.

Mauna Kea Technologies, jeune société spécialisée dans l’imagerie cellulaire et moléculaire in vivo pourra alors commencer le transfert de technologie qui fera entrer cet instrument dans sa phase industrielle et commerciale.

Laisser un commentaire