Communiqué de presse – La découverte et l’analyse de formations dunaires fossiles au Tchad par des chercheurs du CNRS(1) conduisent à réviser l’estimation de l’âge du Sahara. Le désert chaud le plus vaste de la planète ne serait pas âgé de 86 000 ans, comme on le croyait, mais d’au moins 7 millions d’années ! Ces travaux représentent le premier jalon de la reconstruction de l’histoire climatique ancienne du Paléo-Sahara, durant une période encore largement méconnue. Ils sont publiés le 10 février dans la revue Science.
Il y a quelques milliers d’années, à l’emplacement de l’actuel désert du Sahara, régnait un climat humide et se trouvaient de nombreux fleuves et lacs, dont le Lac Méga-Tchad (2). Le Sahara n’est pas pour autant un « jeune » désert : d’autres épisodes désertiques antérieurs ont été enregistrés, le plus vieux remontant à 86 000 ans. D’autres indices, trouvés au sein de carottages réalisés dans l’océan au large du continent africain, suggèrent l’existence en Afrique du Nord d’épisodes arides antérieurs à ce dernier. Mais aucune étude au cur du Sahara n’avait encore permis de le vérifier.
Le Tchad, et plus particulièrement le désert du Djourab (Bassin du Tchad), est devenu une région clef pour étudier l’origine et l’évolution des hominidés anciens. C’est à cet endroit, depuis 1994, que les chercheurs de la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT) (3) ont mis successivement au jour « Abel », Australopithecus bahrelghazali, premier australopithèque décrit à l’ouest de la Rift Valley puis « Toumaï », Sahelanthropus tchadensis, le plus ancien hominidé connu à ce jour.
Comprendre les modalités d’émergence des hominidés anciens passe d’abord par la connaissance de leurs paléomilieux de vie. Aux côtés des paléontologues, des sédimentologues cherchent aussi à découvrir les paléoenvironnements successifs (contextes sédimentologiques, fauniques et floristiques) des hominidés anciens dans le Sahara. Leur méthode de travail repose sur le principe de « l’actualisme » : à partir des systèmes sédimentaires actuels, ils établissent des critères de reconnaissance pour chaque environnement (un lac, un fleuve, un désert, etc), qu’ils appliquent ensuite aux séries anciennes. Chaque environnement possède ainsi sa signature géobiologique propre, ou « faciès sédimentaire », définie en termes de lithologie (études des dépôts sédimentaires), de structures sédimentaires, de géométrie des dépôts et de contenu paléontologique.
Les chercheurs ont ainsi identifié dans la région de Toros Ménalla, au cur du Djourab, d’importantes formations de dunes fossiles témoignant d’un véritable erg dunaire fossile formé au Miocène supérieur, il y a 7 millions d’années. C’est le plus ancien témoignage direct d’un épisode désertique franc au Sahara. Il a précédé une phase climatique plus sahélienne marquée par la mise en place de paysages verdoyants et de lacs éphémères.
L’identification dans le Djourab d’autres niveaux de dépôts caractéristiques des déserts suggère que le Sahara a connu des conditions arides intermittentes au moins au cours des 10 derniers millions d’années, à l’instar de ce qui a déjà été mis en évidence dans le Quaternaire (de 1,8 millions d’années à nos jours). Cette étude représente le premier jalon de la reconstruction de l’histoire géobioclimatique ancienne du Paléo-Sahara, durant une période encore largement méconnue.
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Notes :
(1) Laboratoire géobiologie, biochronologie et paléontologie humaine (CNRS – Université de Poitiers), Laboratoire domaines océaniques (CNRS – Université de Bretagne Occidentale, Plouzané), Centre de géochimie de la surface (CGS, CNRS, Université Strasbourg 1).
(2) Le Lac Méga-Tchad avec plus de 350 000 km2 (soit une superficie équivalente à celle de l’actuelle Mer Caspienne ou de l’Allemagne) est le plus vaste paléolac du Sahara.
(3) La Mission paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT), dirigée par Michel Brunet, Professeur à l’Université de Poitiers, est une collaboration scientifique entre l’Université de Poitiers, le CNRS, l’Université de N’Djaména et le Centre National d’Appui à la Recherche (CNAR) N’Djaména. Elle regroupe une soixantaine de chercheurs de dix nationalités.
Références :
The Age of the Sahara Desert, Mathieu Schuster, Philippe Duringer, Jean-François Ghienne, Patrick Vignaud, Hassan Taisso Mackaye, Andossa Likius, Michel Brunet Science, 10 février 2006.
Contacts : |
Chercheurs Mathieu Schuster Laboratoire Domaines océaniques (CNRS – Université de Bretagne Occidentale, Plouzané) [email protected], [email protected] Patrick Vignaud Philippe Duringer Michel Brunet Presse |
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