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Discours Verhofstadt – La tombe du Soldat Inconnu

09 Mai 2005

Sire,

Mesdames et Messieurs,

Nous commémorons aujourd’hui le soixantième anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La guerre la plus importante et la plus sanglante que compte l’histoire de l’humanité. 55 millions de morts. 6 années de combat. Pendant 6 années, 25 000 morts chaque jour. 6 années marquées par la faim, l’angoisse, l’horreur et la destruction. 6 années de doute et de profonde incertitude quant à l’avenir.


Tous ces sentiments existentiels, les générations d’après-guerre n’ont plus eu à les subir dans notre pays. Ces générations, dont la mienne, en ont été épargnées. C’est à vous, les anciens combattants, que nous le devons. Grâce à votre courage et votre persévérance, grâce aux innombrables sacrifices, nous pouvons commémorer le 8 mai, 60 années plus tard, dans la paix et une prospérité inégalée.

Ce courage était exceptionnel car il n’était pas évident. La situation semblait en effet désespérée lorsque le 10 mai 1940, une Allemagne nazie toute-puissante envahissait la Belgique. Dès les premières heures, l’aviation belge fut clouée au sol, détruite par les bombardements massifs. Les chars et les avions poursuivirent leur invasion avec une terrifiante rapidité à travers les Ardennes belges et françaises. Le fort d’Eben-Emael, près de Liège, à la réputation d'”imprenable”, fut assiégé en un jour seulement. Deux ponts surplombant le Canal Albert tombèrent, intacts, dans les mains des Allemands. La Meuse fut traversée et les positions françaises encerclées. Très vite, les chars allemands prirent la direction d’Abbeville.

Tandis que la percée fut actée, après quelques jours, au sud, les Pays-Bas capitulèrent après seulement trois jours et l’armée belge fut contrainte d’abandonner certaines positions clés, incapable ou presque d’opposer de résistance. Et si les soldats belges ne perdaient pas espoir et tentaient de résister sur quatre fronts à la suprématie envahissante, ils devaient pourtant quitter, sur ordre de la France, le front de l’Escaut. La voie vers Dunkerque était ouverte. Malgré la couverture des soldats belges et français, l’armée britannique ne put faire mieux que de battre dramatiquement en retraite de l’autre côté du Canal. Le 14 juin, Paris tombait. Le 22 juin, l’armée française baissait les armes.

En quelques semaines, l’Europe avait perdu tout espoir. 225.000 militaires belges furent emmenés dans des camps allemands de prisonniers de guerre. Quantité de citoyens d’origine juive, de tziganes et de prisonniers politiques furent enfermés dans des camps de concentration et d’extermination. C’est là que la page la plus noire de l’Histoire fut écrite.

Mesdames et Messieurs,

Plus j’écoute les personnes qui ont vécu cette guerre, plus je lis à ce sujet, plus je tente de m’imaginer à quel point la situation était tragique à l’époque, plus mon admiration grandit envers tous ceux qui ont continué à croire à la victoire. Mon admiration grandit envers ceux qui, confrontés au danger permanent pour leur propre vie, ont continué à s’opposer, de fort belle manière, en Belgique ou à l’étranger.

L’on oublie souvent que des pilotes belges se sont également engagés dans la Bataille pour l’Angleterre. Des soldats belges aussi, dont la brigade Piron, ont participé au débarquement en Normandie. Des unités commandos belges ont pris part, depuis l’Angleterre, à des opérations à travers toute l’Europe. Ensemble avec des centaines de milliers de soldats britanniques, américains, français, canadiens et polonais, ensemble avec d’innombrables citoyens courageux, ils ont continué à croire à une Europe libre, une Europe démocratique. Ils ont résisté obstinément. En guise d’arme, ils brandirent leur sang, leurs larmes, leur courage et leur sueur.

Ils n’ont pas seulement libéré notre pays. Ils ont libéré l’Europe. Ils ont libéré l’Allemagne. Ils ont libéré chacun d’entre nous du nazisme, du fascisme, de la dictature. Et pour paraphraser Friedrich Hayek, ils nous ont permis de quitter le chemin de la privation de liberté pour retrouver celui de la liberté.

Mesdames et Messieurs,

Le soixantième anniversaire du 8 mai ne se borne dès lors pas uniquement à la commémoration de la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie. Le 8 mai 1945, les yeux du monde se sont heurtés aux limites de l’humain. La détermination à ne plus jamais revivre ce cauchemar a fait naître l’Union européenne qui, plus que jamais, a propagé la paix et la prospérité sur notre continent. Le 8 mai a suscité la création des Nations-Unies qui, contrairement à la Société des Nations, poursuit sa mission et contribue, aujourd’hui encore, à coups d’échecs et de succès, à rendre le monde meilleur. Le 8 mai a fait en sorte qu’aujourd’hui plus que jamais, nous ne pouvons tolérer aucun courant anti-démocratique, raciste ou xénophobe.

Le 8 mai est donc un jour que nous ne pouvons oublier, c’est un jour que nous devons mettre à l’honneur. Lors de cette journée, nous rendons hommage à tous les anciens-combattants, toutes les victimes de la guerre, tous les résistants, oui, à tous ceux qui, à l’époque, ont assuré l’avenir de ce pays, des générations actuelles et futures. Tous ces hommes incarnent l’héroïsme et donnent l’exemple de ce qu’il y a lieu de faire dans des situations complexes ou même désespérées. Ou, comme Churchill l’a dit au début de la guerre : «The long night of barbarism will descend, unbroken, even by a star of hope, unless we conquer – as conquer we must – as conquer we shall. Never, ever, ever give up.» Merci de ne pas abandonner.

Je vous remercie.

http://www.presscenter.org/archive/other/106584

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