Date
Catégories
Auteurs

Institut de recherches sur la biologie de l’insecte

30 Mar 2005

Communique de presse du CNRS : Bilan énergétique d’une guêpe : tout en nuance

Eupelmus Vuilletti, guêpe tropicale de 5 mm de long, de 2 mg de poids, a une espérance de vie de 8 à 15 jours en fonction des décisions qu’elle prend. A l’Institut de recherches sur la biologie de l’insecte (IRBI : CNRS et Université François-Rabelais), les chercheurs l’ont observée quasiment en continu. Ils ont mesuré très précisément son bilan énergétique, partant de toutes ses « entrées » alimentaires et chiffrant toutes ses dépenses énergétiques.

 Ce bilan, établi pour la première fois au cours de toute la vie d’un animal, est publié dans Ecology, revue scientifique de l’Ecological Society of America. La guêpe a en fait une stratégie fine de gestion de ses éléments nutritifs, catégorie par catégorie, dont dépendra toute son histoire de vie.

«Cette étude montre qu’il s’agit d’une gestion multidimensionnelle, variable au cours de la vie de l’animal. Il  prend des décisions pour gérer et allouer à un but précis certains types de nutriments, lipides pour les plus déterminants. Ces décisions auront des répercussions dans l’histoire de vie de l’individu, par exemple pondre ou non pour les femelles, optimisant aussi bien la survie que le nombre de descendants» explique Jérôme Casas, directeur de l’IRBI.

 

 

La guêpe étudiée est une espèce sauvage, qui pond ses ufs sur un organisme hôte, un coléoptère encore à l’état larvaire, lui-même ravageur de denrées stockées (graines, pois). Cette guêpe est dite « parasitoïde » car elle tue ainsi son hôte, à la différence des parasites, tel le ver qui se nourrit sans tuer. Elle peut néanmoins parfois utiliser son hôte non pas pour y déposer un uf mais pour s’en nourrir.

 

giron_01_very_small_format_web_360_1.jpg

Femelle guêpe parasitoïde s’abreuvant du fluide corporel de son hôte, l’hémolymphe, dont elle tirera les éléments nutritifs nécessaires à sa survie et à sa reproduction. L’hôte (masse blanchâtre en bas de l’image) lui est présenté dans une graine artificielle (capsule en gélatine) mimant ses conditions naturelles de développement. Ceci permet également de visualiser le tube alimentaire, sorte de paille, construit par la femelle parasitoïde pour accéder à l’hémolymphe de l’hôte.
© D. Giron, IRBI (CNRS et université F. Rabelais)

 

Les scientifiques ont chiffré le nombre de prises de nourriture, analysé sa composition en quantité de protéines, sucres, glycogène et lipides, ainsi que celle des nutriments que la femelle alloue dans ses ufs. Ils ont également mesuré expérimentalement toutes ses dépenses journalières. Sur la base de ces données physiologiques, les stratégies de gestion des ressources nutritives et leurs conséquences sur les stratégies comportementales et les principaux traits d’histoire de vie ont été modélisés, selon deux scénarios, l’un avec hôte et l’autre sans. Celui « sans les hôtes » était adéquat, mais celui « avec hôte » ne l’était pas, car il prévoyait notamment une augmentation continue de protéines depuis le moment où la guêpe encore larve en ingère massivement. Or dans les faits, c’est un déclin qui est observé. Les chercheurs ont alors réalisé une nouvelle série d’expériences avec hôte et nourriture supplémentaire.

 

 

Ils en ont compris que certains éléments acquis quand la guêpe est encore au stade de larve, ne sont pas renouvelables et qu’ils sont spécifiquement alloués à la reproduction. C’est le cas des lipides par exemple. A ce titre, la guêpe est une espèce dite « capital breeder[1]/> », son capital nutritif est constitué à l’état larvaire. Mais suivant cette catégorisation des espèces, elle appartient aussi aux « income breeder » pour les sucres et les protéines, qui déjà présents au départ continuent à augmenter par les prises alimentaires.

 

 

Ces résultats montrent que l’animal prend des décisions dans un espace nutritionnel multidimensionnel : selon le stade de sa vie et selon ses nutriments, certains sont exclusivement alloués à la reproduction, d’autres à la maintenance, et d’autres encore, aux deux. Ainsi, la guêpe décide soit de manger un hôte, soit d’y pondre ses ufs, en fonction des qualités intrinsèques de l’hôte mais aussi du niveau de ses propres réserves. Mieux encore, deux jours avant de mourir, elle arrête de se nourrir, mais consacre toutes ses réserves à la ponte. Si elle avait pu ingérer de la nourriture supplémentaire, ce n’est pas 30 ufs qu’elle ferait mais 200.

 

 

Un des points qui intrigue maintenant les chercheurs est le mécanisme physiologique utilisé par la guêpe pour ne pas créer de novo de lipide au cours de sa vie, contrairement à la majorité des autres insectes qui utilisent la lipogenèse.

 

giron_05_very_small_format_web_360.jpg

Eupelmus vuilletti est une guêpe parasitoïde qui se développe aux dépends de larve de coléoptères infestant des graines de légumineuses, reproduite ici artificiellement à l’aide d’une capsule en gélatine. Ce système artificiel, mimant les conditions naturelles de développement de l’hôte, permet l’observation directe des comportements de ponte ou de nourrissage sur l’hôte sans perturber le comportement et la physiologie de l’insecte.
© D. Giron, IRBI (CNRS et université F. Rabelais)


[1]/> Breeder : reproducteur

Références :
Casas, J., Pincebourde, S., Mandon, N., Vannier, F., Poujol, R. & D. Giron (2005). Lifetime nutrient dynamics reveal simultaneous capital and income breeding in a parasitoid, Ecology, 86, mars 2005, pp. 545-554.

Contacts :
Contacts chercheurs de l’Institut de recherches sur la biologie de l’Insecte (CNRS et université de Tours) :

Jérôme Casas, directeur, tel. secrétariat : 02 47 36 69 11 ou 73 23, mél : [email protected]

Sylvain Pincebourde, tel. : 02 47 36 69 81 mél : [email protected]

David Giron, tel. : 02 47 36 73 49, mél : [email protected]

Contacts communication :

Bureau de presse du CNRS :
Magali Sarazin, tel. : 01 44 96 46 06
mél : [email protected]

Université François Rabelais de Tours :
Eric Bourland, tel. : 02 47 36 67 10
mél : [email protected]

Département des sciences de la vie du CNRS :
Chantal Cosquer, tel. : 01 44 96 40 25, mél : [email protected]
Jean-Pierre Ternaux, tel. : 01 44 96 43 90, mél : [email protected]

Laisser un commentaire