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Les quarks étranges, fugitifs constituants des protons

22 Juin 2005

La collaboration internationale G-zéro, à laquelle le CNRS-IN2P3 (1) contribue très largement, vient de montrer que les quarks étranges jouent un rôle dans la structure des protons et des neutrons, les constituants des noyaux atomiques. Cette découverte est une étape importante dans la compréhension de l’interaction forte, l’une des quatre forces fondamentales qui régissent l’Univers.


 

Les protons et les neutrons, qui s’assemblent pour former les noyaux atomiques, ont longtemps été considérés comme les constituants ultimes de la matière. Mais dans les années 1970, les physiciens ont montré qu’ils étaient en réalité eux-mêmes constitués de particules plus élémentaires, les « quarks » (porteurs d’une charge électrique). Plus précisément, ils sont faits de l’assemblage de quarks up et down (les deux quarks les plus légers, parmi les six existant dans l’Univers).

 

Ces quarks up et down sont liés par l’interaction forte : plus on cherche à éloigner deux quarks, plus ils s’attirent. Les quarks ne peuvent pas être extraits des protons ou des neutrons et observés à l’état libre. Pour rendre compte de ce nouvel état de fait, les physiciens ont construit une théorie, appelée la chromodynamique quantique (dont les auteurs ont reçu le prix Nobel en 2004). Cette théorie prévoit que protons et neutrons ne sont pas constitués des seuls quarks up et down, mais également d’une « mer » de paires quark/anti-quark, dont ceux de type « étrange », produites durant une fraction de seconde par l’interaction forte entre quarks up et down. Les quarks étranges de cette mer, les plus légers après les quarks up et down, peuvent se matérialiser fréquemment et influer sur les propriétés globales du proton. La mesure d’un tel effet sur les distributions de charges et de moments magnétiques à l’intérieur du proton est en cours depuis une décennie.

 

Dans ce cadre, une centaine de physiciens issus d’une vingtaine de laboratoires se sont rassemblés au sein d’une collaboration internationale, nommée G-zéro. Ils travaillent avec un accélérateur d’électrons au Laboratoire Thomas Jefferson (JLab), situé à Newport-News, en Virginie (aux Etats-Unis). Une quinzaine de physiciens français, appartenant à deux laboratoires du CNRS-IN2P3, le Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble (2) et l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (3), font partie de la collaboration G-zéro. Depuis 1998, grâce au soutien financier de l’IN2P3 (600 000 euros sur trois ans), ils ont construit avec leurs équipes techniques la moitié des détecteurs de l’expérience, ainsi que l’électronique associée. Ils ont ensuite participé aux phases de validation de tout l’ensemble expérimental, puis à l’enregistrement et à l’analyse des données.

 

L’expérience réalisée par la collaboration G-zéro au JLab est conçue pour observer les distributions de charges et de moments magnétiques dans les protons, un peu comme on observe la structure interne du corps humain par radiographie X. Pour observer le proton à son échelle (10-15 mètre), les physiciens utilisent des faisceaux d’électrons d’une énergie de plusieurs milliards d’électrons-volts (plus les objets à observer sont petits, plus l’énergie nécessaire est grande). La qualité des faisceaux et des ensembles de détection représente une prouesse technique. Avec ces instruments, la collaboration G-zéro a réussi à mettre en évidence l’influence des quarks étranges, malgré leur apparition fugitive, sur les distributions des charges et des moments magnétiques à l’intérieur des protons. De façon générale, la connaissance de cette distribution aidera les physiciens à comprendre comment l’interaction forte crée une « mer » de particules. Ce résultat est donc important pour la compréhension générale de l’interaction forte, qui régit les comportements du monde subatomique, notamment la construction d’objets aussi fondamentaux que les protons et les neutrons, et pour sa description dans le cadre de la théorie de la chromodynamique quantique.

 

L’année prochaine, la collaboration G-zéro entame sa seconde phase, avec la construction par le Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble d’un appareillage supplémentaire pour améliorer le détecteur. L’objectif est de parvenir d’ici deux ou trois ans à une cartographie du rôle des quarks étranges, et ceci sur les distributions à la fois de charge et de moment magnétique dans les protons et les neutrons.


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Représentation de la « mer » de particules à l’intérieur d’un proton (image disponible à la photothèque du CNRS : [email protected]).
© JLab

Notes :
(1) Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (CNRS)
(2) Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble (CNRS/Université Grenoble-1/Institut national polytechnique de Grenoble)
(3) Institut de physique nucléaire d’Orsay (CNRS/Université Paris 11)

Références :
Un preprint a été soumis à Physical review letters. Consulter le site web pour l’obtenir.

Contacts :
Contacts chercheurs :
Serge Kox
Tél : 04 76 28 41 55, Mél : [email protected],
Jacques Arvieux
Tel : 01 69 15 67 27, Mel : [email protected]

Contact presse :
Claire Le Poulennec
Tél : 01 44 96 49 88, Mél : [email protected]

Contact IN2P3/CNRS :
Christina Cantrel
Tél : 01 44 96 47 60, Mél : [email protected]

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