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Les sujets déprimés activent davantage leur cerveau

06 Août 2005

Personnes déprimées : un cerveau qui travaille trop !

Une équipe de chercheurs de l’Inserm(1) et du CNRS(2) vient de montrer, par imagerie cérébrale, que les sujets déprimés activent davantage leur cerveau et fournissent un effort plus soutenu que les sujets non déprimés lors de tâches de mémorisation à court terme. De la même manière qu’un athlète s’engagerait dans un marathon au rythme d’un 100 mètres, cette mobilisation excessive des ressources cérébrales expliquerait l’épuisement précoce à l’effort lié à la dépression.

Ces résultats, publiés dans la revue NeuroImage du mois de juillet, vont à l’encontre des données suggérant que les troubles intellectuels des déprimés sont causés uniquement par une activité cérébrale réduite au repos.

La dépression aiguë est une maladie fréquente qui se caractérise par une tristesse et un désespoir soutenus. En plus des troubles de l’humeur, les patients déprimés se plaignent également de problèmes de mémoire et de concentration. Fréquemment, les déprimés rapportent une fatigue importante, tant au niveau physique que mental.

 

Les plus récentes techniques d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ont permis d’associer ces troubles divers liés à la dépression au dysfonctionnement de certaines régions du cerveau. Plusieurs études se sont attachées à expliquer les raisons pour lesquelles les déprimés ne parvenaient pas à atteindre un niveau normal de concentration et de mémorisation. Ces recherches ont démontré que ces troubles intellectuels sont habituellement associés à une activité cérébrale réduite (au repos) de certaines régions dorsales du cortex préfrontal.

 

Les chercheurs de l’Inserm et du CNRS viennent nuancer ces données. L’expérience consistait à comparer le fonctionnement du cerveau de personnes saines à celui de personnes déprimées au cours d’exercices de mémorisation (comparaison de suites de lettres de l’alphabet). Les chercheurs ont ainsi démontré que les patients déprimés, à performances égales, activaient de manière plus forte certaines régions préfrontales dorsales. Les patients déprimés utiliseraient ainsi plus de ressources cérébrales que les autres pour atteindre un niveau de performance égal face à des épreuves complexes de la vie quotidienne.

 

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Régions fortement activées chez les patients déprimés par rapport aux sujets témoins lors de la réalisation de la tâche de mémoire à court terme. Les régions en rouge représentent l’excédent d’activité cérébrale dans le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) et le cortex cingulaire antérieur (CCA) des déprimés par rapport à celle des témoins.
© Philippe-Olivier Harvey et al. / CNRS

 

Les chercheurs en concluent que la dysfonction cérébrale des déprimés ne se limite pas à une réduction de l’activité cérébrale (au repos) des régions préfrontales mais davantage à un problème de mobilisation des ressources cérébrales lors de l’exécution de tâches intellectuelles plus difficiles. Tout se passe comme si la dépression était un défaut de l’épargne cérébrale : lors d’un effort cognitif important, les patients déprimés s’engagent dans un marathon en démarrant au rythme d’un 100 m ! Les chercheurs ont observé un excès de volonté dans l’effort. L’épuisement précoce à la concentration et la fatigabilité auxquels sont sujets les patients déprimés pourraient ainsi être dus à la sur-activation cérébrale.

 

Le cerveau des déprimés a-t-il du mal à gérer les quantités de ressources cérébrales ? Effectue-t-il un contrôle exagéré ? A-t-il du mal à déréguler certaines zones du cerveau activées par cette tâche ? Les raisons de cette sur-activation du cerveau lors d’un tel exercice restent à confirmer.

Notes :
(1)Unité Inserm 610 « Laboratoire de neuro-anatomie fonctionnelle du comportement et de ses troubles », Paris.
(2) Unité Mixte de Recherche 7593 (CNRS /Université Paris 6 et 7) « Laboratoire Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie »

Références :
Référence :
Harvey PO*, Fossati P, Pochon JB, Levy R, Lebastard G, Lehericy S, Allilaire JF, Dubois B. Cognitive control and brain resources in major depression: An fMRI study using the n-back task. NeuroImage. 2005 Jul 1;26(3):860-9.
*PO Harvey travaille actuellement au Douglas Institute de Montréal

Contacts :
Contact chercheur :
Philippe Fossati, Laboratoire vulnérabilité, adaptation, psychopathologie (CNRS /Université Paris 6 et 7), Tél. : 01 42 16 12 33, Mél. : [email protected]

Contacts presse :
Gaëlle Multier (CNRS), Tél : 01 44 96 46 06, Mél : [email protected]
Séverine Ciancia (Inserm), Tél : 01 44 23 60 86, Mél : [email protected]

 

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