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Évolution – Un faux pouce mais de vraies fonctions

07 Mar 2006

CNRS

Communiques de presse du CNRSCommuniqué de presse – Contrairement à ce que les paléontologues supposaient, le fameux sixième doigt, ou faux pouce, des pandas 1  seuls mammifères connus à ce jour à posséder une telle particularité  ne lui servait pas à l’origine à manipuler de la nourriture, mais à faciliter ses déplacements. En effet, la découverte par une équipe franco-espagnole d’un ancêtre du petit panda, ou panda roux 2, appelé Simocyon batalleri montre que cet animal vieux de neuf millions d’années possédait, tout comme son descendant herbivore, un sixième doigt. « Mais en étudiant sa denture, nous sommes arrivés à la conclusion que cet animal mangeait essentiellement de la viande, et non des végétaux comme le petit panda actuel, annonce Stéphane Peigné, jeune chercheur au Laboratoire de géobiologie, biochronologie et paléontologie humaine 3. C’est pourquoi nous pensons que Simocyon n’utilisait pas son sixième doigt pour saisir les pousses de bambou comme le fait aujourd’hui le petit panda, mais plus certainement pour aider à sa locomotion dans les arbres. »

Ce sont les nombreux indices retrouvés dans le très riche gisement espagnol de Batallones-1 près de Madrid qui ont mis les chercheurs sur la voie. Tout d’abord le squelette de Simocyon, de la taille d’un puma, présente des particularités morphologiques qui indiquent un mode de vie arboricole. Et comme les données recueillies sur le site indiquent qu’il vivait dans un environnement peuplé de nombreux prédateurs, « cette étrange facétie de l’évolution de doter Simocyon d’un faux pouce apparaît, dans ce contexte, vitale pour ce carnivore plutôt charognard et peu véloce : il pouvait donc leur échapper en grimpant aisément dans les arbres », poursuit le paléontologue.


Aujourd’hui, des millions d’années ont passé ; l’environnement et le mode de vie du petit panda sont très différents de ceux de Simocyon, au point de rendre obsolète l’utilisation originelle de son sixième doigt. Mais comme son régime alimentaire s’est aussi modifié, l’évolution a transformé l’usage premier de ce faux pouce en un usage second et unique, à savoir la manipulation de bambous et autres feuillages. « Le faux pouce du petit panda est un merveilleux exemple d’exaptation, ou réadaptation secondaire, soit une structure dont la fonction ou l’usage actuel est différent de la fonction originelle », conclut le chercheur. La véritable origine du sixième doigt du petit panda aurait certainement ravi S. J. Gould, qui avait choisi cet exemple pour illustrer le principe de contingence dans l’évolution 4. Comme quoi, dans l’évolution aussi, on peut donner un petit coup de pouce au hasard !

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L’ancêtre du petit panda, ici reconstitué à partir d’un fossile de 9 millions d’années.
© M. Anton

 

Cet article est extrait du Journal du CNRS n°194 – mars 2006 :lire les autres articles de ce numéro

Références :
1. En réalité un os du carpe qui s’est transformé en pouce opposable.
2. Proche des ratons laveurs. Le grand panda appartient, lui, à la famille des ours.
3. CNRS / Université de Poitiers.
4. Le pouce du panda : les grandes énigmes de l’évolution, par Stephen Jay Gould, 1982, épuisé.

Contacts :
Chercheur
Stéphane Peigné
Laboratoire de géobiologie, biochronologie et paléontologie humaine (CNRS, Université de Poitiers)
T 05 49 45 41 16
[email protected]

Presse
Muriel Ilous
T 01 44 96 43 09
[email protected]

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