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« Boutons de contrôle » picométriques pour machine moléculaire

16 Mai 2005

Des chercheurs du CNRS (1) ont découvert le moyen de contrôler les mouvements d’une molécule individuelle. Pour cela, ils ont utilisé une pointe métallique, pour exciter divers endroits de la molécule (correspondant à divers états électroniques) avec une précision spatiale de l’ordre de 10 picomètres (2), soit 100 fois moins que la taille de la molécule. Jusqu’à présent, le contrôle électronique n’était accessible que sur une grande quantité de molécules. Avec ce travail, publié dans la revue Science du 13 mai, les chercheurs sont désormais capables de contrôler une molécule unique et d’en faire une machine moléculaire, dont on peut sélectionner les actions en fonction des états électroniques excités. Ce type de nanomachine multitâche est appelé à jouer un rôle important dans l’électronique moléculaire de demain.

Aucun principe de la physique ou de la chimie ne s’oppose à la fabrication et au fonctionnement de machines ayant la taille d’une seule molécule, c’est à dire une dimension de l’ordre du nanomètre (soit un milliardième de mètre).

Une telle miniaturisation fait rêver aux possibilités des nanomachines moléculaires : elles pourraient par exemple explorer une cellule vivante ou devenir de minuscules capteurs physiques. Les chimistes savent synthétiser des molécules machines extrêmement sophistiquées qui n’existent pas dans la nature. Mais jusqu’à présent, on ne savait pas contrôler leur fonctionnement avec précision.

 

C’est désormais chose faite : au Laboratoire de photophysique moléculaire du CNRS à Orsay, les chercheurs ont réussi à déclencher divers mouvements d’une même machine moléculaire,  avec un microscope à effet tunnel. Cet appareil (3) possède une pointe métallique que l’on peut positionner au dessus de l’échantillon avec une précision spatiale de l’ordre de 10 picomètres (un centième de nanomètre). Les chercheurs l’ont placée au dessus d’une molécule de biphényl (4), reposant sur une surface de silicium. Puis, en appliquant une tension entre cette pointe métallique et la surface, ils ont excité les états électroniques de la molécule localisés sous la pointe. Lorsque la pointe se trouve au dessus de l’un des cycles benzéniques de la molécule (celui qui reste le plus fixe sur la surface), elle déclenche le basculement de celle-ci, c’est à dire le passage de l’un de ses états stables à l’autre (voir la figure 1). Lorsqu’elle se trouve au-dessus de l’autre cycle benzénique, elle déclenche son oscillation vers un état transitoire non stable.

 

Ce principe de fonctionnement, l’excitation des états électroniques localisés à l’intérieur de la molécule en utilisant la précision spatiale picométrique de la pointe d’un microscope à effet tunnel, est fondamentalement nouveau. Il peut s’appliquer à d’autres types de nanomachines, telles les picosources de photons, en projet au Laboratoire de photophysique moléculaire d’Orsay : il s’agit de nanocristaux émetteurs de photons, dont l’émission serait commandée à l’aide de nanofils conducteurs (voir la figure 2). De même, les nanocalculateurs (une molécule reliée à plusieurs nanofils), en projet  au Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales du CNRS à Toulouse, pourraient exécuter divers calculs logiques.

 

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Figure 1 : Image des molécules de biphényl (en rouge et vert) sur une surface de silicium, réalisée avec un microscope à effet tunnel. Lorsque la pointe du microscope excite certains états électroniques de la molécule, elle se retourne (passant de la position verte à la position rouge). Pour cela, la position de la pointe par rapport à la molécule est contrôlée à l’échelle du picomètre (mille fois moins que la taille de la molécule).
© CNRS/G.Dujardin

 

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Figure 2 : Des nanocristaux (sphériques) sont reliés à une nanofibre optique organique (composée des molécules en orange). En agissant sélectivement sur les états électroniques des nanocristaux à l’aide de fils atomiques (connectés ici à des plots métalliques), on pourrait obtenir et guider des émissions de différentes longueurs d’onde. Ces dispositifs, permettant de distribuer des informations optoélectroniques à l’échelle nanométrique, pourraient servir de « cerveaux » aux futures machines moléculaires.
© CNRS/G. Dujardin

Notes :
(1) Laboratoire de photophysique moléculaire du CNRS à Orsay.
(2) un picomètre = 10-12 mètre
(3) classiquement utilisé pour « voir » la surface d’échantillons à l’échelle atomique.
(4) deux cycles benzéniques reliés par une liaison covalente

Références :
Picometer-scale electronic control of molecular dynamics inside a single molecule, Science, 13 mai 2005, M. Lastapis, M. Martin, D. Riedel, L. Hellner, G. Comtet, G. Dujardin.

Contacts :
Contact chercheur :
Gérald Dujardin
Tél : 01 69 15 77 13 ou 06 68 84 80 77
Mél : [email protected]

Contact presse :
Claire Le Poulennec
Tél : 01 44 96 49 88, Mél :
[email protected]

Contact département Sciences physiques et mathématiques du CNRS :
Frédérique Laubenheimer
Tél : 01 44 96 42 63, Mél :
[email protected]

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