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INSEE : PRÉFÉRENCES DE L’’ÉPARGNANT ET ACCUMULATIION PATRIIMONIIALE

16 Mai 2005

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – Économie et Statistique – Sommaire dÉconomie et Statistique

Préface
Stéfan Lollivier (Insee)
Les comportements de lépargnant à légard du risque et du temps
À partir dun questionnaire « pilote » posé à un sous-échantillon de lenquête Insee Patrimoine 1998, on tente de dresser le portrait des individus selon leur appréhension du risque et leur degré de projection dans le futur puis de mesurer les effets de ces paramètres personnels sur laccumulation patrimoniale.
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger (CNRS et PSE (ex-Delta) ; CNRS, EHESS et PSE (ex-Delta) ; lUnité Méthodes statistiques de lInsee)

Au sommaire de ce numéro

Les comportements de lépargnant à légard du risque et du temps
Un double objectif a présidé à lélaboration dun questionnaire « pilote » concernant les attitudes des Français face à lincertain et à lavenir. On tentera dune part, de dresser le profil des individus selon leur attitude à légard du risque et leur façon dappréhender le futur. Dautre part et surtout, il sagit de vérifier
si les paramètres de préférence mesurés ont des effets propres sur laccumulation patrimoniale et les demandes dactifs conformes aux prédictions des modèles dépargne, et de déterminer si lhétérogénéité individuelle des préférences constitue, à côté des indicateurs habituels, un facteur explicatif important des
inégalités de fortune. Comme le millier dindividus volontaires interrogés a été tiré de léchantillon de lenquête Patrimoine 1998 effectuée par lInsee, on dispose en effet, pour chaque enquêté, dinformations détaillées sur ses caractéristiques sociodémographiques et patrimoniales.

Ce questionnaire comprend plus de 80 questions qui couvrent un large éventail des domaines de lexistence : consommation, loisirs, santé, placements, travail, retraite, famille, etc. Dans chaque domaine interviennent des questions de différente nature : comportements, opinions ou intentions, réactions à des loteries ou à des scénarios fictifs. Chaque question a été affectée à une préférence au moins : attitudes face au risque, préférence pour le présent, impatience à court terme, altruisme familial ou non à plus long terme. Lobjectif est dobtenir un « score » individuel pour chaque préférence, moyenne supposée représentative de lensemble des réponses apportées par lenquêté aux questions pertinentes.

Ces mesures sont purement qualitatives et ordinales : en dautres termes, il sagit de classer, au sein de la population, les individus selon leur attitude vis-à-vis du risque plutôt que de donner une mesure cardinale de leur aversion au risque et selon la priorité quils accordent au présent à différentes échéances.
De la théorie à une enquête méthodologique originale La théorie standard de lépargnant ne retient que deux paramètres de préférence pour expliquer les comportements patrimoniaux : laversion relative à légard du risque et le taux de dépréciation du futur. Linadéquation manifeste des prédictions de cette théorie avec lobservation a conduit à lélaboration de modèles non standard plus réalistes. Cependant, ces modèles doivent multiplier les paramètres de préférence indépendants pour pouvoir saccorder aux données de laboratoire ou denquêtes : cette prolifération aboutit, au plan empirique, à une impasse. Cest pourquoi on adopte une voie moyenne qui privilégie encore deux paramètres de préférence « pivots », lun par rapport au risque, lautre par rapport au temps, mais dont les définitions séloignent du cadre standard. Le paramètre pour le risque caractérise lattitude générale à légard du risque plutôt que laversion proprement dite ; de même, la préférence de long terme pour le présent est bordée de deux autres types de paramètres, mesurant lun limpatience sur le court terme, lautre laltruisme pour sa descendance.

Corrélativement, lapproche empirique adoptée savère à la fois qualitative et éclectique. Avertis des déboires quont connus les expériences anglo-saxonnes existantes, on propose des mesures purement ordinales des préférences, baptisées « scores », qui synthétisent les réponses de lenquêté à une multitude de questions le plus souvent concrètes et de toute nature comportements, opinions, projets, etc. et couvrant un large éventail de domaines consommation, santé, travail, gestion financière, famille, retraite, etc.

Mesurer les préférences individuelles à l’égard du risque
Sensibles aux dimensions plurielles et variées des comportements face au risque, les développements récents de la microéconomie de l’incertain multiplient à l’envi le nombre de paramètres individuels de préférence aversion au risque, prudence, tempérance, aversion à la perte, etc. pour en rendre compte.
De même, les études expérimentales ou de terrain cherchent à cerner cette diversité en distinguant différents types de risques à petits ou gros enjeux, de gains ou de pertes, aux conséquences irréversibles ou non et décrivent des comportements qui dépendent du domaine concerné (financier, professionnel ou de la santé, par exemple) et des effets de contexte. À partir d’un questionnaire spécifique, posé à un sous-échantillon de l’enquête de l’Insee Patrimoine 1998 et qui balaie un large éventail de domaines de la vie, de situations ou de contextes, et de type de risques, on propose de rendre compte de cette richesse des attitudes vis-à-vis du risque de chaque individu par un indicateur unique, purement ordinal : à l’ensemble des réponses apportées par chaque enquêté, on fait correspondre un « score », mesure synthétique supposée représentative de la palette de ces préférences à l’égard du risque.

Si l’on en croit les informations fournies par le score, les jeunes, les célibataires, les hommes, les hautes rémunérations et les enfants d’indépendants aisés ou de cadres non enseignants sont prêts à prendre davantage de risques que les autres ; les personnes âgées, en couple, les femmes, les moins diplômés, les enfants de parents prudents, d’ouvriers ou d’agriculteurs ont, au contraire, tendance à en prendre moins. Les résultats relatifs aux effets de l’âge et du genre sont communs à l’ensemble des indicateurs échelles, sous-scores, mesure de l’aversion relative pour le risque et partagés par la plupart des études empiriques.

Mesurer les préférences individuelles pour le présent. La théorie microéconomique fait dépendre les choix de l’épargnant sur le cycle de vie de son taux de dépréciation du futur, soit du taux d’actualisation subjectif à l’aide duquel il escompte ses satisfactions à venir. Plus ce taux est élevé et plus le niveau de l’épargne sera faible. Caractérisant l’horizon de vie de l’agent, cette préférence pour le présent doit être distinguée des paramètres qui gouvernent ses décisions sur d’autres échéances : son degré d’impatience à plus court terme, mais aussi son altruisme intergénérationnel. De même que le taux de dépréciation du futur permet de comparer un plaisir demain à un plaisir aujourdhui, le degré daltruisme indique le poids relatif accordé au bien-être de ses enfants ou à celui des générations futures par rapport au sien.

Qui est prévoyant faible préférence pour le présent , impatient, ou altruiste ? Les régressions explicatives des différents scores aboutissent, en général, aux résultats attendus. La préférence temporelle semble se transmettre par la mère ; elle est plus faible pour les individus âgés, diplômés, en couple et ayant des enfants de fait, la plupart des enquêtés dont la préférence temporelle aurait changé estiment être devenus plus prévoyants en vieillissant. Un haut niveau d’études est corrélé positivement avec les deux formes familiale ou non d’altruisme. En revanche, l’impatience à court terme, indicateur que l’on savait composite, ne dépend pas des caractéristiques des ménages. La seule surprise vient de ce que les femmes ne semblent pas plus prévoyantes ni même plus altruistes que les hommes à l’égard de leurs enfants.
Pour évaluer ces préférences individuelles, un questionnaire spécifique a été posé à un sous-échantillon de l’enquête Insee Patrimoine 1998. Afin d’éviter les difficultés rencontrées par les tentatives de mesure précédentes, il ne propose pas seulement les arbitrages habituels entre des plaisirs supposés équivalents à différentes dates , mais envisage aussi une batterie de questions plus simples et plus concrètes qui cherchent à mieux cerner ce que représente véritablement la préférence temporelle, en termes d’horizon décisionnel et de « projets de vie ».

Préférences individuelles et disparités du patrimoine
Les indicateurs individuels de préférences élaborés dans les articles précédents scores, échelles, questions isolées, choix de loteries ont-ils des effets sur les montants de patrimoine financier net ou brut qui soient à la fois significatifs et conformes aux prédictions des modèles microéconomiques d’épargne ? L’analyse empirique menée sur l’enquête Insee Patrimoine 1998 conclut positivement, mais surtout dans le cas des scores : obtenus à partir d’un questionnement multiforme, ces indicateurs synthétiques ont un pouvoir explicatif beaucoup plus élevé et cohérent que celui des autres mesures des préférence envisagées.

Être plus prudent ou plus prévoyant augmente le montant de la richesse détenue. Laltruisme familial va aussi de pair avec une fortune plus élevée. Le patrimoine des ménages apparaît donc bien sous sa dimension plurielle : réserve de précaution, épargne de cycle de vie, notamment pour les vieux jours, et transmission pour les siens. En revanche, le degré dimpatience, indicateur composite de réactions à court terme, na pas d’effet sur le niveau de l’accumulation. Il en va de même pour l’altruisme non familial (souci du bien-être des générations futures en général, de l’avenir de la planète, etc.).
Le gain explicatif obtenu avec les scores de préférence peut paraître modeste : du fait de la concentration
très élevée des patrimoines, lhétérogénéité non observée nest pas fortement réduite. Malgré tout, les effets quantitatifs de ces variables subjectives sont loin d’être négligeables, notamment pour la préférence temporelle : entre individus extrêmes cest-à-dire entre le plus « myope » et le plus prévoyant de l’échantillon , les écarts de patrimoine estimés vont ainsi de 1 à 10.
En outre, l’introduction de scores de préférences croisant le risque et le temps permet de mieux expliquer
les disparités de patrimoine : un agent à la fois prudent et prévoyant accumule d’autant plus de richesse, un autre à la fois aventureux et « myope », d’autant moins.

Économie et Statistique n° 374-375
184 pages – 14,80 euros

De la théorie à une enquête méthodologique originale Linadéquation de la théorie standard de lépargnant avec lobservation amène à proposer un cadre théorique élargi tenant compte de lattitude générale des individus face au risque ou à lincertain et de leurs diverses préférences à légard du temps.
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger (CNRS et PSE (ex-Delta) ; CNRS, EHESS et PSE (ex-Delta) ; lUnité Méthodes statistiques de lInsee) Mesurer les préférences individuelles à l’égard du risque On résume la palette des comportements dun même individu à légard du risque dans différents domaines de la vie par un indicateur unique et ordinal qui permet de classer les enquêtés de « prudent » à « aventureux ». Ainsi les femmes se révèlent-elles plus prudentes, en moyenne, que les hommes.
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger (CNRS et PSE (ex-Delta) ; CNRS, EHESS et PSE (ex-Delta) ; lUnité Méthodes statistiques de lInsee) Mesurer les préférences individuelles pour le présent Les attitudes des individus par rapport au temps sont explicitées en distinguant les réactions à court terme gouvernées par le degré dimpatience, les choix du cycle de vie dictés par le degré de prévoyance à terme, et les décisions plus lointaines conditionnées par le degré daltruisme intergénérationnel.
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger (CNRS et PSE (ex-Delta) ; CNRS, EHESS et PSE (ex-Delta) ; lUnité Méthodes statistiques de lInsee) Préférences individuelles et disparités du patrimoine Une analyse empirique permet de vérifier la pertinence des indicateurs synthétiques de préférences retenus (attitude face au risque, impatience, prévoyance, altruisme familial ou non) qui permettent dexpliquer une part non négligeable (de lordre de 15 %) des disparités de patrimoine.
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger (CNRS et PSE (ex-Delta) ; CNRS, EHESS et PSE (ex- Delta) ; lUnité Méthodes statistiques de lInsee) Le questionnaire de lenquête Insee-Delta Comportements face au risque et à lavenir Direction de la diffusion et de l’action régionale Département Insee Info Service Division

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