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Les cellules adipeuses, thérapie de demain ?

04 Mai 2005

Longtemps considéré comme un simple organe disgracieux de stockage des lipides, le tissu adipeux se révèle, depuis peu, être un véritable réservoir de cellules souches, capables de donner naissance à des cellules cardiaques, vasculaires, osseuses, musculaires… En injectant des cellules souches de tissu adipeux humain, des équipes de chercheurs du CNRS et de l’Inserm ont réussi à régénérer des cellules musculaires humaines, sans réaction de rejet. Ces travaux prometteurs chez la souris sont publiés dans le Journal of Experimental Medicine du 02 mai. Ils représentent un réel espoir dans le traitement de pathologies musculaires, notamment les myopathies de Duchenne, une maladie héréditaire grave se traduisant par une atrophie progressive de tous les muscles.

Basée sur l’injection de cellules immatures susceptibles d’acquérir, dans un environnement propice, la morphologie et la fonction de cellules déficientes dans un tissu lésé, la thérapie cellulaire s’intéresse aujourd’hui particulièrement aux tissus adipeux. Ces derniers représentent environ 10% du poids d’un individu sain et jusqu’à 50% chez un obèse ; leur prélèvement ne présente pas de problème éthique puisque les cellules utilisées sont issues de déchets opératoires de type liposuccion. En 2004, l’équipe CNRS-Inserm de Louis Casteilla avait démontré qu’il était possible d’obtenir, in vitro, des cellules cardiaques à partir de cellules adipeuses. Parallèlement, les équipes Inserm de Bernard Lévy en collaboration avec l’équipe de Louis Casteilla et l’équipe de Anne Bouloumié montraient que ces mêmes cellules pouvaient chez la souris se transformer en cellules constituant les vaisseaux sanguins.

 

Le tissu adipeux : réservoir de cellules souches multipotentes

Spécialisés dans la recherche sur le tissu adipeux depuis une vingtaine d’années et depuis une dizaine d’années sur les cellules souches embryonnaires, les équipes de Christian Dani, chercheur Inserm et directeur du laboratoire «Cellules Souches et différenciation» et Gérard Ailhaud, UMR 6543 CNRS (Institut de signalisation, biologie du développement et cancer) ont réussi à obtenir, à partir de tissu adipeux de jeunes donneurs, des cellules souches multipotentes dénommées hMADS («Human Multipotent Adipose Derived Stem Cell»). Celles-ci sont plus immatures donc de potentiel plus grand que les cellules obtenues précédemment par d’autres équipes. Ces travaux publiés dans le Journal of Experimental Medicine montrent qu’une même cellule souche hMADS est capable in vitro de donner naissance à une cellule musculaire, osseuse, adipeuse ou de cartilage, en fonction de son environnement. Une fois isolées puis mises en culture, ces cellules souches ont présenté une forte capacité de prolifération, des chromosomes normaux et une absence de caractère tumorigène. De plus, les chercheurs ont remarqué que ces cellules n’exprimaient que faiblement les antigènes d’histocompatibilité responsables du phénomène de rejet des greffes.

 

De la cellule souche à la cellule musculaire

Afin d’étudier les potentialités réparatrices de ces cellules souches, l’équipe s’est intéressée à des souris “mdx”, modèles de myopathies de Duchenne. Ces souris sont déficientes en dystrophine, une protéine nécessaire à l’intégrité de la fibre musculaire. Sans cette protéine, la fibre musculaire ne peut plus résister aux forces exercées lors de la contraction et finit par dégénérer. Chez l’homme, cette dystrophie musculaire génétique transmise par la mère touche à la naissance un garçon sur 3500 en France et conduit progressivement à une atrophie des muscles squelettique, respiratoire et cardiaque.

 

Transplantées en faible quantité chez la souris dystrophique, ces cellules souches du tissu adipeux n’ont pas été rejetées en l’absence de traitement immunosuppresseur et ont conduit

à une expression importante et à long terme de dystrophine humaine. Selon le Pr Gérard Ailhaud, « ces résultats prometteurs ouvrent des perspectives d’allotransplantation de telles cellules chez des patients atteints de maladies musculaires. » Ces travaux ont donné lieu au dépôt d’un brevet international.

 

Perspectives thérapeutiques

Ces cellules souches multipotentes ouvrent donc des perspectives intéressantes dans la réparation de nombreux tissus. Après avoir approfondi la connaissance de ces cellules au niveau moléculaire, les chercheurs devront toutefois étudier la possibilité d’isoler directement et en nombre suffisant de telles cellules souches à partir de tissu adipeux humain d’individus de tous âges. Ils devront également s’attacher à comprendre quels sont les mécanismes qui gouvernent l’absence de rejet de ces cellules humaines chez la souris avant d’entreprendre des essais cliniques.

 

Références :
Anne-Marie Rodriguez(1), Didier Pisani(2), Claude A.Dechesne(1), Claude Turc-Carel(3), Jean-Yves
Kurzenne(4), Brigitte Wdziekonski(1), Albert Villageois(1), Claude Bagnis(6), Jean-Philippe Breittmayer(5),
Hervé Groux(5), Gerard Ailhaud(1)&Christian Dani

(1). « Transplantation of a multipotent cell population
from human adipose tissue induces dystrophin expression in the immunocompetent mdx mouse »
(1) Institut de Recherche Signalisation, Biologie du Développement et Cancer, UMR 6543 CNRS, Centre de
biochimie, Université de Nice
(2) Laboratoire de physiologie cellulaire et moléculaire, UMR 6548 CNRS, Université de Nice
(3) Faculté de Médecine, UMR 6549 CNRS, Université de Nice
(4) Service de Chirurgie pédiatrique, Hopital L’Archet, CHU Nice
(5) Unité Interactions cellulaires Immunologie, Inserm U343, Hôpital de l’Archet 06202 Nice
(6) Etablissement Français du Sang Alpes Méditerranée, 13009 Marseille
Journal of Experimental Medicine 2 mai 2005

Contacts :
Contacts chercheurs :
Centre de biochimie, Institut de recherches Signalisation, Biologie du Développement et cancer (CNRS – Université de Nice)
Christian Dani
Tel. 04 92 07 64 36
[email protected]

Gérard Ailhaud
Tel. 04 92 07 64 40
[email protected]

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